L’Afrique, zone blanche de la production de véhicules automobiles dans le monde
Depuis le début du 20e siècle, la production de véhicules automobiles est l’un des symboles de l’industrialisation et de la sophistication des techniques dans les grands pays industrialisés. Entre 1999 et 2017, la production de véhicules dans le monde est passée de 56 millions d’unités à 97 millions d’unités (+73%) pour répondre à une demande mondiale sans cesse en hausse. L’accroissement de la classe moyenne à travers le monde et l’ouverture de nouveaux marchés soutiennent la croissance du secteur.
Forte d’une population d’environ 1,3 milliard de personnes majoritairement jeunes et d’un taux de croissance annuel moyen proche de 5% depuis 2001, l’Afrique présente un potentiel certain pour l’industrie de consommation en général et l’industrie automobile en particulier. Cependant, les chiffres semblent démontrer le contraire tant la production et l’achat de véhicules neufs en Afrique demeurent négligeables.
L’Afrique : 0,96% de la production automobile dans le monde
En 2017, seulement 931 283 véhicules automobiles ont été produits sur continent africain. La production africaine représentait à peine 0,96% de la production mondiale qui reste très largement dominée par la région Asie-Océanie (54 millions de véhicules et 55% de la production mondiale), l’Europe (22 millions de véhicules et 23% de la production mondiale) et l’Amérique (21 millions de véhicules et 21% de la production mondiale).
Seuls 5 pays sur les 54 que compte le continent africain produisaient des véhicules automobiles en 2017[1] : l’Afrique du Sud (455 811 unités), le Maroc (376 286 unités), l’Algérie (60 606 unités), l’Egypte (36 230 unités) et la Tunisie (1940 unités). Ainsi, l’Afrique du Sud et le Maroc assurent-ils plus de 89% de la production africaine de véhicules automobiles.
En outre, la production africaine de véhicules se résume à de l’assemblage de véhicules de marques étrangères souvent destinés à l’export. Les pays du pourtour méditerranéen bénéficient d’une prime géographique en raison de leur proximité avec l’Europe. L’installation de ligne d’assemblage de véhicules en Afrique obéit plus à une logique de réduction des coûts de production et de recherche d’une main d’œuvre qualifiée bon marché des industriels plutôt qu’à une véritable stratégie des Etats africains producteurs visant à faire éclore le secteur et à en tirer des dividendes. Quant aux marques africaines de véhicules, quand elles existent, leurs véhicules ne sont encore que des prototypes difficilement industrialisables, fautes de moyens techniques, scientifiques, financiers, logistiques et marketing. A cela s’ajoute s’ajoute un soutien quasi inexistant des Etats aux porteurs de ce type de projets.
La faible production de véhicules automobiles en Afrique aurait pu avoir un impact important sur l’emploi. En effet, dans les principaux pays producteurs de véhicules, l’industrie automobile est un puissant pourvoyeur d’emploi. En France, le secteur emploie 440 000 personnes pour 1,8 million de véhicules produits annuellement[2] , soit un ratio de 0,24 emplois pour chaque véhicule produit. Appliqué au continent africain, une production 5 fois supérieures à celle de 2017 pourrait générer plus d’un million d’emplois directs.
Seulement 1,2% des véhicules neufs produits dans le monde vendus en Afrique
En Afrique, les usagers ne se pressent pas pour acheter des véhicules neufs. La flotte de véhicules en circulation sur les routes africaines est composée principalement de véhicules d’occasion parfois vieux de plus de 30 ans.
En 2017, 70 millions de véhicules de tourisme neufs ont été vendus à travers le monde, seulement 862 907 (environ 1,2%) l’ont été en Afrique. Comme pour la production, les ventes de véhicules neufs s’effectuent principalement dans les régions Asie-Océanie-Moyen-Orient (41 millions d’unités et 58% des ventes), Europe (18 millions d’unités et 25% des ventes) et l’Amérique (11 millions d’unités et 16% des ventes).
En pratique, le prix des véhicules neufs constitue la principale barrière à l’achat pour les africains, même quand ces derniers appartiennent à la classe moyenne. En effet, le revenu moyen par habitant dans les pays africains est si faible, comparé à celui constaté dans d’autres région du monde, qu’il en résulte qu’un membre de la classe moyenne africaine peut difficilement s’offrir les mêmes produits de consommation qu’un membre de la classe moyenne européenne, d’Amérique ou du Moyen-Orient.
En conséquence, les africains privilégient les véhicules d’occasion importés d’Europe ou d’Asie dont les prix sont bien inférieurs à ceux de véhicules neufs.
Entre 2014 et 2017, la vente de véhicules de tourisme neufs en Afrique a baissé de 31% passant de 1,2 million d’unités vendues à 862 907 unités. En Afrique francophone subsaharienne, l’administration publique est bien souvent le principal acheteur de véhicules neufs.
Historiquement, l’Afrique du Sud, le Maroc et l’Egypte sont les principaux acheteurs de véhicules neufs en Afrique selon l’Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA). En 2017, ces trois pays ont acheté respectivement 369 599 unités, 155 218 unités et 133 391 unités soit 76% des voitures neuves vendus en Afrique.
Ainsi, malgré le potentiel des marchés africains, les niveaux de revenus des citoyens ne favorisent pas l’achat de véhicules neufs en général et des véhicules neufs haut de gamme en particulier. Pour accroitre leur volume de vente sur le continent africain, plusieurs constructeurs occidentaux et asiatiques développent des modèles low cost. Cependant, la courbe des ventes de véhicules neufs en Afrique semble montrer qu’à ce stade, l’émergence de véhicules low cost n’a pas favorisé une ruée des consommateurs africains vers les véhicules neufs.
Mays Mouissi
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[1] Source : Statistiques de production 2017 de l’Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA)
[2] Les chiffres clés du secteur automobile, Bercy Infos, le 9 mars 2019
merci pour les chapitre !!