Gabon : ces arbitrages budgétaires étonnants en période de crise
Réuni en Conseil des ministres le 21 juin dernier, le gouvernement gabonais a adopté le projet de loi de finances rectificative 2018 (PLFR 2018) en même temps qu’une série de mesures d’austérité. Les budgets de plusieurs administrations arrêtés dans la loi de finances initiale ont été revus à la baisse dans le PLFR 2018 pour matérialiser la volonté affichée des autorités de réduire les dépenses publiques. Cependant, l’on note que certains domaines publics, souvent non prioritaires, continuent de bénéficier de largesses budgétaires. C’est notamment le cas de la défense et de la sécurité, du soutien aux politiques des sports de la Présidence de la République ou encore de la Cour constitutionnelle.
Le gouvernement gabonais gagnerait à expliquer le sens et la stratégie auxquels obéissent ces largesses budgétaires en période de crise.
L’armée, le sport et la Présidence privilégiés
10 milliards FCFA pour les dépenses de biens et services au titre du pilotage et soutien à la politique d’administration du territoire et de sécurité (+3176%), 42 milliards FCFA au titre de l’équipement des forces de défense (+15%), 27 milliards FCFA pour la Garde Républicaine (+3%), 5 milliards FCFA pour le soutien aux politiques de la jeunesse et des sports (+102%), etc. Alors qu’il appelle les agents publics à l’austérité, le gouvernement gabonais s’est montré généreux envers les forces de défense, les jeunes et les sportifs au travers des affectations budgétaires à leur bénéfice contenues dans le PLFR 2018.
Autre bénéficiaire de la générosité budgétaire du gouvernement : la Présidence de la République. En effet, la dotation budgétaire prévue au titre des dépenses d’investissement de la Présidence de la République a été revalorisée de 300% entre la loi de finances initiale et le PLFR 2018 pour atteindre 4 milliards FCFA.
Parmi les administrations qui échappent également à la cure d’austérité, on compte également la Cour constitutionnelle dont les dotations budgétaires atteignent désormais 9,4 milliards FCFA (+1,1%) dont 800 millions FCFA pour les dépenses d’investissement (en hausse de 60% par rapport à la loi de finances initiale 2018).
Le cas du Conseil gabonais des élections (CGE)
Créé en 2017 pour remplacer la Commission électorale autonome et permanente (CENAP), le CGE bénéficie d’un budget dédié comme toutes les autorités administratives indépendantes. Comme la CENAP avant lui, le CGE a pour mission principale l’organisation des élections politiques en République gabonaise. C’est à ce titre et dans la perspective des élections législatives prévues cette année que le PLFR prévoit pour cet organisme 23,4 milliards FCFA dont 23 milliards FCFA (plus de 98%) consacrés aux dépenses de biens et services dédiés à l’organisation des élections au cours de l’année 2018.
Cependant, cette dotation budgétaire parait disproportionnée. En effet, l’analyse des affections budgétaires au bénéfice de la CENAP en 2016 (15,8 milliards FCFA [cf. rubrique 31.255 de la loi de finances 2016] – organisation de l’élection présidentielle) et du CGE en 2018 (23,4 milliards FCFA – organisation des élections législatives) permet de constater une évidente disproportion.
Ainsi les élections législatives couteraient bien plus que les élections présidentielles et le CGE semble devoir fortement s’équiper, comme si avant lui la CENAP n’a pas existé et il n’en a pas récupéré l’héritage.
En effet, comment des élections législatives intervenant 2 ans après une élection présidentielle couterait-elle près de 8 milliards FCFA plus chère quand on sait que :
- Le matériel électoral de la présidentielle de 2016 peut être largement réutilisé car vieux de seulement 2 ans ;
- Les véhicules achetés par la CENAP pour la présidentielle de 2016 peuvent, eux aussi, être réutilisés puisque le temps d’amortissement d’un véhicule de tourisme neuf au Gabon est d’environ 5 ans selon un concessionnaire local interrogé ;
- Le territoire électoral à couvrir est moins grand car se limitant aux seuls frontières nationales (la diaspora gabonaise ne vote pas lors des législatives, il n’y a donc pas de commissions électorales consulaires) ;
- Etc.
La rigueur budgétaire annoncée pour faire face à la crise semble sélective et les mesures d’économie sur la dépense publique semblent ne concerner que certaines administrations. Ce n’est pas forcément un bon signal envoyé à l’opinion.
Mays Mouissi
Sources principales :
- Projet de loi de finances rectificatives 2018
- Projet de loi de finances initiale 2018
- Lois de finances 2016
1 réponse
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