Gabon : l’investissement dans l’éducation en baisse de 35% quand celui dans le sport augmente de 282%
Le 12 octobre 2017, le gouvernement gabonais a adopté en Conseil des ministres le projet de loi des finances initiale pour l’exercice 2018. Ce budget projette un niveau de dépenses de 2 033 milliards FCFA pour 1 842 milliards FCFA de recettes. Cependant, l’analyse des arbitrages budgétaires du volet dépenses d’investissement opérés en faveur de certains secteurs interpelle sur le sens des priorités du gouvernement.
Au cours de la campagne pour l’élection présidentielle d’août 2016, Ali Bongo Ondimba alors candidat à sa réélection s’était engagé à « renforcer l’égalité des chances par l’éducation ». C’était l’engagement n°8 de son programme. Précis, il promettait d’investir dans le renforcement des infrastructures préscolaires et scolaires. Pour traduire en acte cet engagement, on aurait pu logiquement s’attendre à un renforcement de l’investissement public dans le secteur éducatif. Cependant, l’analyse des prévisions d’investissement telles transcrites dans le projet loi de finances 2018 du gouvernement démontre le contraire.
En effet, dans ses arbitrages réalisés pour l’exercice budgétaire 2018, le gouvernement a choisi de baisser l’investissement public dans l’éducation primaire, secondaire (général et technique) et supérieur de 12,4 milliards FCFA (soit de – 35,43%). Dans le même temps, les dotations aux investissements au bénéfice de la rubrique budgétaire Sports et Loisirs ont été outrancièrement revalorisées puisqu’elles se sont accrues de 23,9 milliards FCFA soit une hausse de 282% par rapport à 2017.
De façon globale, en 2018 le gouvernement gabonais a prévu d’investir 22,6 milliards FCFA dans l’éducation contre 32,4 milliards FCFA dans les sports et les loisirs. Un choix budgétaire qui semble indiquer que l’éducation n’est plus la priorité du second septennat d’Ali Bongo Ondimba.
34% de baisse des investissements à l’Éducation nationale, 46% de baisse dans l’Enseignement supérieur
Éducation nationale
Les projections de dotations aux investissements au bénéfice de l’Éducation nationale prévues dans le projet de budget 2018 sont donc en baisse. Une analyse approfondie de la rubrique Éducation nationale permet de constater que les prévisions de « Dépenses d’investissement » de toutes ses sous-rubriques seront en baisse en 2018. L’investissement public en 2018 baissera de façon drastique tant dans l’enseignement primaire, secondaire que supérieur.
– Enseignement primaire
En 2017, l’enseignement primaire bénéficiait d’une dotation aux investissements de 3,1 milliards FCFA. En 2018, il ne bénéficiera plus que de 1 milliard FCFA. Les investissements publics au bénéfice ce pan du secteur éducatif baisseront de 68% sur un an.
– Enseignement secondaire
L’enseignement secondaire se verra amputer de 8,1 milliards FCFA dans ses dotations aux investissements en 2018, une baisse de 31% par rapport aux crédits qui lui étaient accordés au même titre dans la loi des finances rectificative 2017. Les dépenses d’investissement de l’enseignement secondaire passeront ainsi de 26,2 milliards FCFA à 18,1 milliards FCFA.
– Enseignement technique et professionnel
Alors que les dépenses d’investissement autorisées pour l’enseignement technique et professionnel n’étaient déjà que de 2,5 milliards FCFA en 2017, elles seront plus que de 2 milliards FCFA en 2018 (-20%).
– Pilotage et soutien à la politique de l’éducation nationale (PSPEN)
400 millions FCFA étaient prévus en 2017 au titre des dépenses d’investissement de la sous-rubrique PSPEN. En 2018, aucune dépense d’investissement n’est prévue au budget de l’état soit une baisse de 100%.
Depuis plusieurs années, le gouvernement et les partenaires sociaux du secteur éducatif partagent le même constat sur les faiblesses structurelles et infrastructurelles du secteur. Comme les syndicats et les associations des parents d’élèves, le gouvernement admet qu’il est urgent d’investir massivement dans l’éducation pour, notamment, réduire le déficit en salle de classe tant dans l’enseignement primaire, secondaire (général et technique) que supérieur. Candidat, Ali Bongo Ondimba s’était engagé à construire 9 collèges, 8 écoles primaires (ce qui paraît bien faible à l’échelle d’un septennat) et 700 crèches (cf page 68 de son projet de société). Il est peu probable qu’il y parvienne avec le niveau des investissement publics que son gouvernement consacre à l’Éducation nationale.
Enseignement supérieur et recherche scientifique
Comme pour l’Éducation nationale, les crédits accordés à l’Enseignement supérieur et à la recherche scientifique sont en baisse.
Des 4 sous-rubriques de ce secteur, seule celle dédiée à l’Enseignement supérieur sera dotée d’un budget d’investissement en 2018. Toutes les autres sous-rubriques auront une dotation aux investissements nulle. Il s’agit des sous-rubriques :
- Recherche scientifique et innovation,
- Vie de l’étudiant,
- Pilotage et soutien aux politiques de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Ainsi, la dotation aux investissements dédiée à l’Enseignement supérieur sera-t-elle de 1,5 milliard FCFA en 2018 alors qu’elle était de 2,8 milliards FCFA l’année précédente (soit une baisse de 46%).
L’investissement dans les sports et les loisirs en hausse de 282%
Si l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur et la recherche scientifique sont plutôt mal lotis en termes d’investissements, il n’en est pas de même pour les sports et loisirs. Au regard des arbitrages budgétaires du gouvernement et des montants des dotations aux investissements réalisés, il apparait que les sports et loisirs sont prioritaires devant l’éducation.
En effet, le chapitre Sports et loisirs du budget (code budgétaire 18.647) agrège à lui seul 29,4 milliards FCFA de dépenses d’investissement. Si on ajoute les 3 milliards FCFA prévus au titre des dépenses d’investissement pour la Promotion du sport (code budgétaire 63), on obtient une dotation aux investissements globale pour les sports et loisirs de 32,4 milliards FCFA.
A la lumière de cette analyse, dont tous les chiffres sont issus du projet de loi des finances initiale 2018 adopté en Conseil des ministres le 12 octobre, on peut s’interroger sur l’avenir d’un pays qui en période de crise privilégie l’investissement dans le sport et les loisirs plutôt que dans l’éducation, l’enseignement et la recherche.
Mays Mouissi
Sources principales :
- Projet de loi des finances initiale 2018 (PLFI 2018) adopté en Conseil des ministres le 12 octobre 2017
- Rapport économique social et financier (RESF) accompagnant le PLFI 2018