Ce qu’il faut savoir sur le prêt de 380 milliards FCFA accordé par le FMI au Gabon
Chers tous,
Depuis ce matin, vous avez été des dizaines à me demander de m’exprimer sur le prêt de 642 millions USD (environ 380 milliards FCFA) que le FMI vient d’accorder à l’État gabonais. Je n’avais pas spécialement prévu de le faire, car l’ouverture de cette ligne de crédit était attendue depuis 6 mois. Cependant, face à l’insistance de certains et aux analyses plus ou moins erronées que j’ai pu lire çà et là, j’ai décidé de rédiger pour vous ces quelques mots.
Pour comprendre le prêt de 642 millions USD accordé par le FMI au Gabon, il faut remonter au sommet extraordinaire des Chefs d’État de la CEMAC du 23 décembre 2016 à Yaoundé (Cameroun). Au cours de ce sommet qui avait vu la présence de Michel Sapin, alors ministre de l’Économie et des Finances de la France, et Christine Lagarde, Directrice générale du FMI, les dirigeants de la CEMAC avaient constaté que les pays de la zone faisaient face à des difficultés économiques majeures et la dévaluation du franc CFA avait été évitée de peu. L’urgence de la situation avait conduit les dirigeants des pays membres de la CEMAC à accepter l’accompagnement du FMI pour mettre en œuvre des réformes structurelles dans leurs pays.
Après 6 mois de travaux, le FMI a donc consenti un prêt de 642 millions USD au Gabon dans le cadre de son Mécanisme élargi de crédit (MEDC). Pour rappel, le MEDC est activé uniquement lorsque l’une et/ou l’autre des conditions suivantes est constatée :
- Le pays qui en bénéficie est aux prises avec de graves déséquilibres de balance des paiements à cause d’obstacles structurels ;
- Le pays qui en bénéficie affiche une croissance lente et une position de balance des paiements intrinsèquement fragile.
Pour résumer, le FMI considère que la situation économique du Gabon est extrêmement dégradée. L’économie de ce pays est dans un État critique.
Le MEDC ayant été mis en place hier, on peut considérer que depuis 24h le Gabon est officiellement rentré dans un plan d’ajustement structurel. Cela se traduira dans les prochaines semaines par des coupes budgétaires dans certains programmes de l’État. Il ne s’agit ni d’un signe de confiance ni de la légitimation d’une quelconque autorité politique. C’est juste la conséquence d’une gestion peu rigoureuse des finances publiques par les responsables qui se sont succédés à la tête de l’État gabonais au cours des dernières années.
Beaucoup d’entre vous m’ont demandé si les 642 millions USD dont on parle avaient déjà été décaissés et mis à disposition du gouvernement gabonais. La réponse est non. À l’heure actuelle, rien n’a été décaissé. Cependant, dans les prochaines semaines, le gouvernement gabonais recevra un acompte de 98,8 millions USD (environ 58 milliards FCFA) soit 15% du montant total du prêt. Les 85% restant ne seront décaissés que si l’État gabonais respecte scrupuleusement les conditions et met en œuvre les réformes attendues par le FMI.
Là aussi, cette mesure n’a rien d’exceptionnel. Cette facilité de caisse ayant été négociée à la suite d’un sommet impliquant tous les pays de la CEMAC, il faut s’attendre à ce que d’autres pays de cet espace économique bénéficient d’une mesure similaire.
Enfin, je crois qu’il importe aux Gabonais de savoir qu’en 2008, le taux d’endettement de leur pays n’était que de 18% de son PIB environ. Aujourd’hui la dette du Gabon a atteint 64% de son PIB. Cela représente une hausse de 256% du taux d’endettement depuis que les nouvelles autorités politiques dirigent le pays.
Mays Mouissi