Gabon : un pays riche confronté à de fortes disparités sociales
Le Gabon est un pays d’Afrique centrale situé sur la façade atlantique qui partage sa frontière nord avec le Cameroun et la Guinée Equatoriale et ses frontières est et sud avec la République du Congo. Peuplé d’à peine 1,8 million d’habitants pour une superficie de 267 667 km², ce pays est l’un des moins densément peuplé de la région. Sa population, majoritairement jeune, vit à 86% en milieu urbain et se concentre principalement autour de 4 grands centres urbains : Libreville, Port-Gentil, Franceville et Oyem.
Un PIB par habitant parmi les plus élevé en Afrique
La richesse nationale du Gabon, pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, a été évaluée par le FMI en 2015 à 14 milliards USD. Son PIB par habitant de 7 728 USD est l’un des plus élevés sur le continent africain. Le taux de croissance s’est situé en moyenne autour de 5% entre 2010 et 2014 avant de connaitre une décélération en 2015 et 2016 en raison de l’effet conjugué de la chute des cours du pétrole (dont les prix ont baissé de moitié) et du ralentissement économique né de la crise post-électorale consécutive au scrutin présidentiel controversé du 27 août 2016. A l’issue de ce scrutin M. Ali Bongo Ondimba a été déclaré élu par les juridictions locales. Cette victoire est contestée par son principal adversaire M. Jean Ping qui, comme les observateurs de l’Union européenne, dénonce des fraudes et des irrégularités dans les résultats obtenus par M. Ali Bongo Ondimba dans sa province natale, lesquels ont fait basculer le scrutin en sa faveur.
– PIB en 2015 : 13,996 milliards USD
– PIB par habitant en 2015 : 7 728 USD
– Dette publique en % du PIB en 2016 : 50,1%
Une économie toujours faiblement diversifiée
L’économie du Gabon demeure peu diversifiée. Le seul secteur pétrolier contribuait encore à 32% du PIB en 2015, bien qu’en recul d’une dizaine de points par rapport à l’année précédente en répercussion de la baisse des cours du brut. Même si l’amorce d’une timide diversification de l’économie est observée, ce recul de la contribution du secteur pétrolier dans la richesse nationale résulte principalement de la baisse des cours du pétrole, laquelle a eu un effet baissier mathématique sur le poids des revenus pétroliers dans le PIB. Plus de 2/3 des exportations sont constitués d’hydrocarbures. Les secteurs minier et forestier représentent chacun environ 10% des exportations nationales.
La diversification économique présentée par M. Ali Bongo Ondimba comme l’axe central de sa politique nationale au cours de son premier septennat n’a produit que peu de résultats. Au contraire, sa stratégie économique, tournée quasi exclusivement vers de nouveaux partenaires au détriment des partenaires historiques fut contre-productive. En marginalisant ces derniers, lesquels disposent d’une meilleure connaissance du marché et des spécificités locales, le gouvernement gabonais a fragilisé des entreprises qui constituent pourtant le socle de son économie. En effet, au cours du précédent septennat de M. Ali Bongo les inégalités, le chômage et la pauvreté se sont accrus.
La diversification des partenaires économiques est incontournable pour les pays d’Afrique en général et pour le Gabon en particulier. Cependant, le gouvernement gabonais n’a pas su créer les indispensables synergies entre ses différents partenaires, anciens et nouveaux, pour améliorer la qualité de sa croissance. 7 ans après l’arrivée de M. Ali Bongo Ondimba à la tête de l’état, la croissance n’est toujours pas inclusive. Elle ne parvient pas à changer les conditions de vie des populations et limite les performances des entreprises.
Une dette publique en forte hausse
La dette publique de la République gabonaise s’est fortement accrue depuis 2009, passant de moins de 20% à 50,1% du PIB en 2016. L’encours de la dette approche désormais les 4 000 milliards FCFA et une part importante du stock de dette a été financiarisée, entraînant de fait des risques liés à la spéculation. Les emprunts sollicités par le gouvernement de M. Ali Bongo Ondimba auprès des bailleurs de fonds internationaux et des marchés financiers ne servent pas toujours à financer les projets les plus structurants pour l’économie. En effet, une part non négligeable du stock de dette a servi à financer les infrastructures sportives liées à l’organisation de l’édition 2012 de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football que le Gabon a organisée conjointement avec la Guinée Equatoriale (coût officiel : 400 milliards FCFA) et de l’édition 2017 de la même compétition que le Gabon s’apprête à abriter (coût officiel : 463 milliards FCFA).
Quant au remboursement des emprunts souscrits, jusqu’en 2015 le Gabon n’avait enregistré aucun incident de paiement récent sur le règlement de ses échéances de dette extérieure. Au premier semestre 2015 cependant, les agences de notation ont signalé un incident de paiement lié au règlement tardif d’une échéance de la dette extérieure commerciale et bilatérale. Le règlement de la dette intérieure de l’état en revanche enregistre des retards de paiement récurrents. Ces retards créent de graves difficultés de trésorerie au sein de plusieurs entreprises, notamment dans le secteur du bâtiment où des milliers de licenciements ont été enregistrés.
Des charges salariales trop élevées
En outre, les charges salariales de l’état ont fortement progressé, bien plus vite que le rythme de croissance des ressources propres de l’état. Les dépenses de la rubrique salaires et traitements dans les lois de finances successives sont ainsi passées de 370 milliards FCFA en 2009 à 732 milliards FCFA en 2016, soit une hausse de 98% en 8 exercices budgétaires. De façon générale, les charges de fonctionnement pèsent lourdement sur le budget général de l’état et réduisent ses capacités d’investissement. Une gestion plus rigoureuse des finances publiques de la nation par le gouvernement de M. Ali Bongo Ondimba aurait sans doute permis une meilleure maîtrise des dépenses de fonctionnement au bénéfice de l’accroissement des investissements publics dans des projets structurants pour l’économie.
A l’issue des consultations réalisées en 2015 au titre de l’article IV, le conseil d’administration du FMI a noté une intensification des tensions budgétaires, un ralentissement de l’activité hors pétrole et un dépassement du plafond national d’endettement de 35%, toutes choses qui auraient dû conduire les autorités gabonaises à un important assainissement des finances publiques. Les administrateurs du FMI estimaient nécessaire d’intensifier les efforts visant à assurer la viabilité budgétaire et extérieure devant la baisse des recettes pétrolières.
D’importantes inégalités sociales
Depuis l’accession du Gabon à l’indépendance en 1960, l’économie nationale repose principalement sur l’exploitation des matières premières, d’abord les ressources forestières, puis à partir des années 1970 essentiellement sur les ressources pétrolières. Bien qu’à ce jour les ressources naturelles du Gabon soient proposées à la vente en étant très faiblement ou pas du tout valorisées, elles ont permis à ce pays d’Afrique centrale de connaître une relative prospérité qui se traduit notamment par un PIB de 7 728 USD par tête d’habitant de en 2015, l’un des plus élevés en Afrique.
Malgré cette prospérité relative, de très fortes disparités sociales sont observées à travers le pays. 34,3% de la population vivrait en-dessous du seuil de pauvreté selon le FMI. Bien que le taux d’alphabétisation du Gabon figure parmi les plus élevés en Afrique (94,7%), le taux de chômage s’élève à 29% au sein de la population active et s’est accru de plus de 6 points depuis 2009. Il dépasserait 35% au sein de la population jeune selon les projections de la Banque mondiale. L’espérance de vie à la naissance s’élève à 63 ans (66 ans chez les femmes et 61,2 ans chez les hommes), l’une des plus faibles parmi les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure.
Les agrégats sociaux relatifs à la mortalité maternelle et infantile sont plus élevés que ceux des pays dont le revenu moyen par habitant est équivalent à celui du Gabon. Mesurés au cours du Recensement général de la population et du logement (RGPL) conduit par le gouvernement gabonais en 2013 et le plus récent à ce jour, le taux de mortalité maternelle est de 277 pour 100 000 naissances vivantes tandis que le taux de mortalité infantile est de 41 décès pour 1 000 naissances vivantes.
Pour mesurer la qualité de vie dans un pays, l’indice de développement humain (IDH) est souvent pris en référence car il tient compte de la durée moyenne des études (éducation), de l’espérance de vie à la naissance (santé) et la richesse nationale par habitant. La publication 2015 de l’IDH des états du monde classe le Gabon à la 110e place sur 188 pays. Le pays occupait la 103e place en 2009.
En décembre 2013, le cabinet McKinsey & Company a publié un rapport sur l’état de la pauvreté au Gabon. Ce rapport a permis de mesurer à quel point les gabonais sont confrontés à la pauvreté mais surtout l’inefficacité des politiques sociales conduites par les gouvernements successifs, en particulier au cours du dernier septennat. Il a également permis de constater les carences de la solidarité nationale.
McKinsey & Company a ainsi mesuré que :
• 30% des foyers gabonais sont économiquement faibles ;
• 95 000 foyers vivent avec moins de 2 700 FCFA par jour (environ 4 USD)
• 70% des villages du pays sont enclavés ;
• 35% des départements (17 sur 48) affichent un taux de pauvreté supérieur à 50% ;
• 60% des départements (28 sur 48) régressent en termes d’accès aux services sociaux de base.
Face à la pauvreté, le gouvernement n’a pas suffisamment investi dans les infrastructures de base, en particulier dans l’éducation, le logement et le raccordement au service public d’eau et d’électricité.
Pendant 7, ans sous la présidence de M. Ali Bongo Ondimba, les gouvernements successifs n’ont construit aucune école, aucun collège d’enseignement secondaire, aucun lycée et aucune université alors que dans le même temps 863 milliards FCFA (environ 1/3 du budget national sur un exercice) ont été consacrés à l’organisation de compétitions sportives.
Concernant le logement, candidat en 2009 M. Ali Bongo Ondimba s’était engagé à construire 35 000 logements sur 7 ans pour réduire le déficit national en logements décents estimé à 259 579 unités. A la fin de son mandat, à peine 3 762 logements avaient été construits dont seulement 872 logements livrés. A ce rythme de construction, le déficit national en logements ne pourra être résorbé qu’au terme de 483 années à besoins constants.
En 2013, le RGPL a estimé à 345 468 le nombre de citoyens en manque de logements décents. 19% de la population, répartie à travers à travers l’ensemble des provinces du pays, déclare être mal logée. Les provinces de l’Estuaire, du Haut-Ogooué et du Woleu-Ntem regroupent à elles seules 74% des citoyens en manque de logements décents.
Ainsi les agrégats sociaux confirment-ils que les inégalités sont toujours prégnantes au Gabon et que la richesse du pays demeure inégalement répartie et ne profite pas à la majorité de la population.
Mays Mouissi
Extrait de l’étude intitulée : « Economie de Gabon : Etats des lieux et impacts de la crise post-électorale », publié en novembre 2016