A combien s’élève réellement la dette du Gabon en 2016?
Le 10 novembre 2016 le premier ministre nommé par Ali Bongo Ondimba présentait devant l’Assemblée nationale gabonaise sa déclaration de politique générale au cours de laquelle il affirmait notamment que la dette gabonaise s’élévait à 39% du PIB soit 3 160 milliards FCFA en 2016 hors avances de la Banque centrale. Cependant, l’encours de dette indiqué par M. Emmanuel Issozet Ngondet semble avoir été fortement sous-estimé d’une part et se trouve être très éloigné de celui calculé sur la base des données du FMI, de l’agence de notation Fitch Ratings ou de la COFACE d’autre part.
Plus de 4 000 milliards FCFA de dette publique
Le taux d’endettement d’un pays est un agrégat économique qui mesure le niveau d’endettement d’un Etat en proportion de sa richesse nationale souvent désignée par le terme PIB (Produit intérieur brut). Exprimé en pourcentage, le taux d’endettement correspond au quotient Dette/PIB. Exprimé autrement :
Dette publique = Taux d’endettement x PIB
M. Issozet Ngondet a affirmé devant les députés que le taux d’endettement public s’élevait à 39.4%. Cependant il est contredit par au moins 3 organisations/compagnies internationales qui situent le taux d’endettement du Gabon entre 48% et 50.1% du PIB, largement au-dessus du niveau indiqué pendant la déclaration de politique générale du gouvernement. Il s’agit de :
– l’agence Fitch Ratings, spécialiste mondial de la notation des dettes souveraines, qui estime le taux d’endettement à 48% du PIB ;
– la COFACE, société spécialisée dans l’assurance-crédit, qui situe le taux d’endettement du Gabon à 49.6% ;
– le FMI qui indique quant à lui dans son communiqué n° 16/81 du 26 février 2016 que le taux d’endettement du Gabon en 2016 avoisinerait les 50.1%.
Pour ces 3 organisations, le taux d’endettement du Gabon avoisine les 50% du PIB, bien loin des 39.4% communiqués aux parlementaires gabonais par le Premier ministre d’Ali Bongo Ondimba. Par ailleurs, le PIB du Gabon en 2016 s’établit à 14 milliards USD selon le FMI. Avec ces 2 données (taux d’endettement et le PIB), il est assez aisé de calculer l’encours de la dette publique du Gabon en USD. Enfin, en appliquant le taux de change USD/FCFA en vigueur le 10 novembre 2016 (jour de la déclaration de politique générale du gouvernement de M. Issozet Ngondet), on retrouve l’encours de la dette du Gabon en FCFA.
Ainsi suivant les taux d’endettement projetés par le FMI, la COFACE et Fitch Ratings, l’encours de la dette du Gabon se situerait entre 4 045 milliards FCFA et 4 222 milliards FCFA. 1 000 milliards FCFA au-dessus du montant de l’encours de dette communiqué par M. Issozet Ngondet au parlement.
En tous les cas, le FMI indiquait dans un rapport publié en février 2016 à l’issue des consultations réalisées au titre de l’article IV que le stock de dette publique gabonaise est composé à près de 50% d’euro-obligations libellées en US Dollar. Plus que par le passé, la dette gabonaise est particulièrement exposée au risque de change lié aux fluctuations de l’US Dollar par rapport au FCFA et susceptible de spéculation.
La sous-estimation systématique du niveau d’endettement
La communication d’un taux d’endettement et d’un encours de dette inférieurs à leurs niveaux réels apparait comme une pratique courante des gouvernements successifs de M. Ali Bongo Ondimba au point d’avoir été remarquée à l’étranger, notamment au ministère français de l’économie.
En effet, dans sa fiche signalétique sur le Gabon datée de septembre 2016, le Ministère de français de l’économie indiquait : « Fin décembre 2015, le stock de la dette publique comprendrait officiellement 2845,8 Mds FCFA de dette extérieure et 316,8 Mds FCFA de dette intérieure, mais les arriérés ne sont pas tous comptabilisés. »
Se basant sur les déclarations officielles sur le niveau d’endettement du Gabon, le Ministère français de l’économie relevait déjà la tendance des autorités gabonaises à communiquer un encours dette inférieur à son niveau réel en ne comptabilisant pas les arriérés (comme en 2015) ou les avances de la Banque Centrale (comme ce fut le cas en 2016). Cette pratique étonnante a pour conséquence de donner à l’opinion le sentiment d’un endettement maitrisé en minorant systématiquement le taux d’endettement public et l’encours de la dette lors des communications gouvernementales.
Dans les faits, l’endettement du Gabon a triplé depuis 2009 et la situation alarmante des finances publiques a érodé la confiance des investisseurs qui ne se pressent plus pour prêter de l’argent au Gabon doutant de sa capacité de remboursement. Ce fut notamment le cas le 26 octobre 2016 quand le gouvernement de M. Ali Bongo Ondimba sollicita un emprunt d’à peine 6,1 milliards FCFA auprès des investisseurs de la CEMAC lesquels n’ont consenti qu’un prêt de 4 milliards FCFA soit à peine 65% du montant mis en adjudication .
Mays Mouissi
Sources principales :
– Déclaration de politique générale de M. Issozet Ngondet, 10 novembre 2016
– Rapport des services du FMI sur les consultations de 2015 au titre de l’article IV, Février 2016
– Communiqué de presse n° 16/81 du FMI du 26 février 2016
– Fiche signalétique Gabon – Ministère français de l’économie
– Fitch Affirms Gabon at ‘B+’; Outlook Negative, Fitch Ratings, 14 octobre 2016
– COFACE, Etudes économique et risque pays Gabon, Septembre 2016
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