Gabon : Candidats, publiez des projets de société chiffrés
Dans 3 mois le Gabon organisera sa 5e élection présidentielle depuis la réinstauration du multipartisme en 1990. La solennité d’un scrutin présidentiel pluri-partisan offre à chaque pays l’occasion de débattre de son avenir, de son modèle de société et de sa stratégie de développement sur la base de documents prospectifs présentés par les différents postulants à la fonction présidentielle désignés par le vocable « Projet de société ». Le projet de société du candidat qui sera élu va structurer et engager la vie de la nation pendant toute la durée du septennat. Compte-tenu de l’importance de ce document, il est important que chaque candidat au scrutin présidentiel publie un projet de société détaillé et chiffré afin que les populations, les acteurs économiques et les partenaires du Gabon puissent mesurer l’impact de chaque engagement de campagne, leur coût pour le contribuable et les changements qu’ils induiront pour la nation.
« Certaines promesses laissent planer le doute sur la capacité du Gabon à les financer »
La lecture des projets de société déjà publiés par des candidats à l’élection présidentielle d’aout prochain au Gabon laisse un sentiment d’incomplétude. Ces projets de société ont quasiment tous un point commun : Ils ne sont pas ou peu chiffrés. Les candidats annoncent pour la plupart une série de réformes, des mesures sociales parfois utiles et font de nombreuses promesses sans que le coût de ces engagements de campagne n’ait été publié a minima ou mesuré a maxima. Certaines promesses énoncées laissent même planer le doute sur la capacité du Gabon à les financer tant elles paraissent onéreuses.
La situation économique du Gabon est particulièrement difficile en cette année 2016. La chute des prix du pétrole conjuguée à la baisse tendancielle de la production nationale d’hydrocarbures renforcent la vulnérabilité de nos finances publiques. Même si le candidat élu à l’issue du scrutin présidentiel du mois d’aout parvenait à gérer les finances publiques de la nation en respectant tous les canons de l’orthodoxie financière, il ne pourra pas échapper à la nécessité d’engager des réformes de structure dont certaines seront nécessairement impopulaires. Dès lors, le projet de société, contrat par excellence entre un candidat et le peuple, doit être clair et ne pas omettre de souligner les efforts que sa mise en œuvre nécessitera de la part des différents acteurs au premier rang desquelles se trouvent les populations.
Ainsi les populations ont-elles intérêts à savoir l’objectif en kilomètres de routes à asphalter pendant le septennat et les tronçons qui seront privilégiés (et par voie de conséquence ceux qui ne le seront pas) ainsi que la méthode de mobilisation des ressources qui permettront de les financer. Il en est de même pour la part du budget national que chaque candidat souhaite consacrer à l’éducation et à la santé. Les effectifs de la fonction publique gabonaise sont jugés pléthoriques par certains rapports, cependant, si un candidat souhaitait opérer de nouveaux recrutements dans l’administration publique, il devrait indiquer combien de fonctionnaires supplémentaires il souhaiterait recruter et dans quelles administrations ils seraient repartis. A titre de comparaison, l’engagement n°36.1 du candidat François Hollande à la présidentielle française de 2012 était libellée ainsi « Créer 60 000 postes en cinq ans dans tous les métiers de l’éducation ». On peut ainsi constater que la traduction de sa volonté d’accroitre le nombre de fonctionnaires était accompagnée d’éléments de précision indispensables à l’analyse de la matérialisation de cet engagement dans le temps. De même, si un candidat souhaitait réduire les effectifs de la fonction publique, la transparence envers les citoyens commande d’indiquer le nombre de réductions de postes souhaitées et la méthode pour y parvenir. A titre illustratif, en 2012 toujours pendant la présidentielle française le candidat Nicolas Sarkozy proposait de ne pas procéder au remplacement des départs à la retraite d’un fonctionnaire sur deux pour baisser les effectifs publics.
Absence de chiffres sur la politique fiscale
Outre les populations, les acteurs économiques qui ont fait le choix d’investir au Gabon ainsi que les partenaires du pays ont intérêt à connaitre pendant la phase de campagne électorale la politique fiscale proposée par chaque candidat, les actions qu’il compte entreprendre pour améliorer l’environnement des affaires, les actions incitatives en matières de création d’emploi, de lutte contre la corruption et de transparence dans la gestion des ressources publiques. Pour ne parler que de la politique fiscale, l’exemple du programme de François Hollande de 2012 est particulièrement illustratif puisque la grande majorité de ses propositions relatives à la fiscalité étaient chiffrées. Ce fut notamment le cas de son engagement 3.5 « Mettre en place trois taux différenciés pour l’impôt sur les sociétés : 15% pour les TPE, 30% pour les PME et 35% pour les grandes » ou de son engagement 15.2 « Limiter les « niches fiscales » à 10 000 euros de diminution d’impôts par an ».
Enfin, de nombreux candidats se sont inquiétés de l’accroissement rapide de l’endettement du Gabon au cours du dernier septennat. Dès lors ils ne peuvent pas s’exonérer d’indiquer dans leur projet de société ce qui sera leur stratégie de gestion de l’endettement en se fixant des objectifs chiffrés sur lesquels ils seront jugés. Poursuivant notre comparaison avec le programme du candidat Hollande de 2012, sa stratégie de gestion de l’endettement français se résumait à 2 promesses : l’engagement 9.1 « Le déficit public sera réduit à 3% du produit intérieur brut en 2013 » et l’engagement 9.2 « Parvenir à l’équilibre budgétaire en fin de mandat ».
Pour la qualité des débats et les perspectives qu’offre une élection présidentielle, chaque postulant à la fonction présidentielle au Gabon devrait mettre à la disposition de tous un projet de société chiffré ou à défaut un projet de société accompagné d’un document chiffré qui traduirait de façon détaillée son ambition pour le Gabon et les moyens avec lesquels il compte les la réaliser.
Mays Mouissi
C’est gentil de donner aux candidats la méthodologie pour paraître crédible. Le candidat de la panthère noire s’empressera d’utiliser ces conseils afin d’être concret, concis, et pertinent. Votre critique va élever le débat. Vous devenez conseiller Mouissi.
Merci à vous