CEDEAO : Pourquoi la BAD encourage la création d’une monnaie unique ?
Dans une publication datée du 19 février 2016, des économistes de la Banque africaine de développement (BAD) ont pris position en faveur de la création d’une monnaie unique au sein de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Dans le document intitulé « Pourquoi et quand instaurer une monnaie unique dans la CEDEAO », la BAD présente l’intérêt qu’auraient les 15 pays de cet espace régional à adopter une monnaie commune.
Monnaie unique dans la CEDEAO, une idée de lancée en 2000
Les pays africains réunis au sein de la CEDEAO ont émis le souhait de créer une monnaie commune en 2000. A l’origine le projet de création d’une monnaie unique était prévu se dérouler en 2 phases. Une première consistant en la création d’une zone monétaire (la zone monétaire ouest africaine ZMAO) regroupant tous les pays ayant une monnaie différente du FCFA et une seconde phase où seraient fusionnée la ZMAO et l’UMOA (l’union monétaire ouest africaine regroupant les pays ayant adopté le FCFA) en 2020. De la fusion de ces entités naitrait un espace économique et monétaire unique dont la monnaie s’appellerait Eco.
Même si l’échéance de création de la ZMAO a déjà été reportée 4 fois (en 2003, 2005, 2009 et 2014), l’échéance de création de la monnaie unique régionale est restée figée à 2020.
Les limites des monnaies individuelles dans la CEDEAO ?
Pour la BAD, la création d’un véhicule monétaire commun au sein de la CEDEAO est rendu nécessaire par « les difficultés monétaires rencontrées à titre individuel et à titre collectif par les pays de la région ». 8 problèmes ont été identifiés par l’institution multilatérale :
– Les contraintes du système monétaire international. La BAD constate que l’organisation du système monétaire international favorise la transmission des effets des politiques monétaires des pays industrialisés et des pays émergents aux monnaies africaines. Ainsi, le politique américaine de Quantitave Easing (QE1, QE2 et QE3) se serait traduite par une hausse généralisée des prix à la consommation du fait de la dépréciation des taux des changes des monnaies africaines. Citant une étude de 2014 des économistes Guillaumont et Hua, la BAD affirme que le rattachement de certaines monnaies africaines à de grandes devises internationales souvent surévaluées a pour effet d’apprécier ces monnaies par rapport au Yuan chinois, dont le pays est le principal partenaire économique du continent.
– La volatilité des flux de capitaux et ses conséquences négatives sur la gestion monétaire. En favorisant l’accroissement des capitaux de portefeuille dans leurs circuits monétaires, les pays de la CEDEAO se sont aussi exposés à de nouveaux risques tels les mouvements de retraits massifs de capitaux en période de tensions et qui peuvent déstabiliser les cours de changes et les politiques monétaires individuelles des pays de la zone.
– La faiblesse des capacités de gestion monétaire. La BAD dit avoir observé des faiblesses dans la définition des objectifs, l’organisation des marchés monétaires et la gestion des liquidités bancaires. Pour la BAD, la supervision bancaire individuelle est rendue difficile par l’émergence des banques transfrontalières dans la sous-région.
– Les problèmes d’indépendance institutionnelle et opérationnelle des banques centrales et de la politique monétaire. Pour pointer les limites de l’indépendance des banques centrales, la BAD affiche les résultats de l’indice d’indépendance de 2010 où la BCEAO obtenait un score de 0.69 (ou 69%), contre 0.63 pour la banque centrale de Guinée, 0.5 pour le Ghana et 0.44 pour le Nigéria, la moyenne africaine était située autour de 0.47.
– La non-convertibilité des monnaies. La BAD déplore que les 8 monnaies utilisées par 15 pays de la CEDEAO soient quasiment toutes non convertibles. Cela a pour effet de limiter les échanges intra-régionaux.
– Les systèmes financiers et de paiement peu développés. Dans l’ensemble les marchés financiers restent peu développés dans la CEDEAO. La capitalisation boursière de la BRVM ne représentait en 2013 que 13% du PIB de l’UEMOA, 8.5% pour le Ghana et 21% pour le Nigéria alors que la moyenne subsaharienne se situe autour de 65%. Les services de paiement demeurent peu développés.
– La faible effectivité des canaux de transmission de la politique monétaire. La BAD juge que les effets des décisions de politiques monétaires sont relativement limités sur le financement de l’économie en raison notamment de la surliquidité des banques (cas de l’UEMOA et du Nigéria), au Ghana le secteur bancaire serait peu compétitif.
– Le déséquilibre entre les monnaies. Si à ce stade il n’est pas observé un déséquilibre des monnaies au sein de la CEDEAO, la BAD s’inquiète des répercussions que pourrait avoir l’augmentation de la dette en devises de certains pays.
Pourquoi créer une monnaie unique dans la CEDEAO ?
Pour la BAD, l’intégration monétaire au sein de la CEDEAO offrirait aux pays de la CEDEAO la possibilité de renforcer leurs positions individuelles et collectives au sein de la coopération internationale. Une monnaie unique leur permettrait de mieux résister aux conséquences des politiques monétaires menées par les pays industrialisés.
La BAD soutient également que l’intégration monétaire serait bénéfique dans la résolution des problèmes monétaires au sein de la CEDEAO. En effet, un système monétaire intégré joue un rôle de stabilisateur. En amont par la surveillance macroprudentielle supranationale qui réduirait les risques et en aval par le principe de solidarité des pays membres qui renforcerait la résilience de cet espace.
Une monnaie unique et zone monétaire intégrée au sein de la CEDEAO permettrait d’avoir un cadre législatif et réglementaires harmonisé et commun à l’ensemble des pays de la zone. La qualité de la supervision du système bancaire deviendrait homogène.
Enfin, la BAD estime que sans monnaie unique, l’intégration monétaire en Afrique de l’Ouest serait inachevée et non viable.
Mays Mouissi
Source principale :
– « Pourquoi et quand instaurer une monnaie unique dans la CEDEAO », Bureau de l’économiste en chef | AEB Volume 7 Issue 1 2016. Banque Africaine de développement (BAD)
Il est tant que cette monnaie se fasse et on l’espère pour la zone CEDEAO et le reste de l’Afrique selon les recommandation de la Commission économique de l’Afrique. Pertinent article !!!! wait and see