Gabon : Suppression de la subvention des hydrocarbures, un mal nécessaire
Le 1er février 2016, le gouvernement du Gabon a décidé de l’arrêt de la subvention des hydrocarbures raffinés (hors pétrole lampant et gaz butane) avec mise en application immédiate. Diversement appréciée par l’opinion, la suppression de la péréquation qu’assurait l’Etat sur les produits pétroliers raffinés est pourtant un mal nécessaire pour l’économie gabonaise. Dans un contexte de prix bas sur les marchés pétroliers, cette décision était devenue indispensable tout comme l’est la mise en œuvre d’une reforme la dépense publique. Notre analyse.
Une subvention onéreuse et à l’efficacité sociale limitée
Comme de nombreux pays pétroliers, le Gabon avait institué une subvention sur le prix du carburant servi à la pompe. Dans les faits, cette subvention se traduisait par un blocage des prix des produits pétroliers dans le réseau des distributeurs. Le différentiel de prix est reversé par l’état sous la forme d’une subvention.
Ainsi, sur la base des données du FMI*, les subventions des hydrocarbures représentait-elle 20 milliards FCFA en 2009 soit à peine 1.6% des ressources propres de l’Etat. Entre 2010 et 2013, le poids de cette subvention sur le budget de l’Etat s’est considérablement accru. Elle est ainsi passée de 40 milliards FCFA en 2010 à 230 milliards FCFA 2012 puis 220 milliards FCFA en 2013 où elle absorbait 8.4% des ressources propres de l’Etat. Bien qu’ayant baissée à 125 milliards FCFA en 2014 sous l’effet de la suppression partielle de la subvention au gasoil industriel, la partie que l’Etat a continué de subventionner a quand même absorbé près de 5% des ressources propres du Gabon.
Le FMI qui conseille au Gabon la suppression de cette subvention depuis 2010 constatait dans son rapport No. 13/55** que l’efficacité sociale de cette subvention était limitée. S’appuyant sur une étude de Leigh et al. de 2006, le Fonds constatait que la subvention du pétrole lampant et du gaz butane touchait effectivement les couches sociales les plus défavorisées puisque ces 2 produits constituent entre 1.5 et 2.5% des 10% les plus pauvres du pays (contre environ 0% des 10% les plus riches). Mais à l’inverse, la même étude révélait que la subvention sur le carburant de transport (essence et diesel) était plus favorable aux plus aisés. En effet 2.5% des dépenses des 10% les plus riches du pays sont consacrées à l’achat de carburant de transport contre un pourcentage quasi-nul pour les 10% les plus pauvres.
Ainsi donc le FMI a-t-il calculé que la subvention des hydrocarbures profitaient bien plus aux plus aisés qu’aux plus pauvres puisque ramenée à chaque catégorie de population elle représentait 57 000 FCFA chez les plus riches et seulement 4 000 FCFA chez les plus pauvres sur une année civile.
Pour une maitrise de la dépense publique
Pour être efficace dans la durée, la réforme de la dépense publique gabonaise ne doit pas se limiter à la seule réforme des subventions aux hydrocarbures. Une réforme bien plus large est nécessaire pour rationaliser et réduire les charges publiques afin de dégager les économies nécessaires pour amorcer une politique de relance économique.
En effet, à l’analyse de la dépense publique en générale et des charges de fonctionnement en particulier, on observe une explosion des dépenses de fonctionnement au cours de ces 10 dernières années. L’évolution des dépenses de personnel entre 2007 et 2016 dans les différentes lois de finances permettent de l’illustrer.
Ainsi entre 2007 et 2016, les dépenses de personnel ont cru de 144% passant de 300 milliards à 732 milliards FCFA. Alors qu’elles n’absorbaient que 19% des ressources propres de l’Etat en 2007, les seules charges du personnel (salaires et primes notamment) ont cannibalisé 40% des ressources propres en 2015.
L’hypertrophie de la fonction publique gabonaise, le volume des dépenses de fonctionnement et les charges liées aux subventions des hydrocarbures raffinés diminuent d’autant les dépenses liées aux investissements structurants et/ou productifs. C’est particulièrement vrai pendant cette période où la baisse des prix du pétrole entraine une baisse des ressources publiques. De fait, la préconisation du FMI à l’Etat gabonais, telle que publiée dans son rapport de mai 2011 à l’issue des consultations de 2010 au titre de l’article IV trouve aujourd’hui tout son sens :
Il convient d’agir essentiellement sur les dépenses, en maîtrisant l’augmentation rapide de la masse salariale et en supprimant progressivement les subventions aux carburants, qui sont coûteuses.
Le Gabon qui n’a pas tenu compte de ce conseil pendant 5 ans semble s’y être résolu sous l’effet d’une conjoncture économique défavorable.
Mays Mouissi
* Données issues du rapport du FMI No. 15/47 de février 2015 page 46
** Rapport du FMI No. 13/55 de mars 2013 page 45
Sources principales :
– Lois de finances du Gabon 2007 à 2016
– Rapport du FMI No. 11/97 de mai 2011
– Rapport du FMI No. 13/55 de mars 2013
– Rapport du FMI No. 15/47 de février 2015
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