Gabon : Le risque du surendettement
A l’issue de la réunion du conseil des ministres du 29 janvier dernier, l’exécutif gabonais a adopté 7 projets d’ordonnance autorisant l’Etat à contracter 7 emprunts. Le communiqué final sanctionnant ces travaux s’est toutefois gardé de divulguer le montant. L’annonce de cette série d’emprunt intervient au moment où l’agence de notation Standard & Poor’s vient de dégrader la note souveraine du Gabon (qui passe de B+ à B) en raison du contexte pétrolier défavorable. La dette obligataire du pays est désormais classée dans la catégorie « hautement spéculative ».
24 emprunts extérieurs prévus en 2016
Si l’adoption par le Conseil des ministres de 7 projets d’ordonnance autorisant le Gabon à contracter autant d’emprunts a suscité divers commentaires dans l’opinion, il convient de rappeler que l’ensemble de ces emprunts est prévu dans la loi des finances 2016. En effet, le Titre III de la seconde partie de ladite loi des finances énumère 24 conventions de prêts avec les bailleurs de fonds internationaux : 13 tirages sur financement extérieurs en cours (d’une valeur globale de 163 milliards FCFA) et 11 nouveaux tirages sur financement extérieurs (dont la valeur s’élève à 219 milliards FCFA) parmi lesquels on retrouve les derniers emprunts décidés en Conseil des ministres. Le total des tirages sur financement extérieurs inscrits au budget 2016 atteint 382 milliards FCFA.
L’analyse de la destination des ressources d’emprunts extérieurs, notamment des nouveaux tirages, emmène à s’interroger sur l’efficacité et la pertinence des choix opérés par le gouvernement. En effet, en 2016 plus de 36% des nouveaux tirages sur financement extérieurs inscrits dans la loi des finances serviront à la construction d’infrastructures sportives. 79 des 218 milliards FCFA qui seront sollicité auprès de bailleurs de fonds internationaux à ce titre serviront à la conception et la construction des stades de Port-Gentil et d’Oyem. De fait, la coupe d’Afrique des nations 2017 dont le Gabon sera le pays hôte sera financée en grande partie en faisant recours à l’emprunt, peut-être au détriment d’investissements structurants et prioritaires.
Le plafond d’endettement de 35% du PIB désormais dépassé
Le contexte de prix bas qu’on observe sur les marchés pétroliers laisse à l’économie gabonaise, structurellement dépendante de cette ressource, peu de recours pour soutenir son économie. Ainsi le gouvernement a semble-t-il fait le choix du recours à l’endettement. Dans son communiqué du 24 décembre 2015 publié à l’issue des consultations réalisées, au titre de l’article IV, le FMI indiquait que la dette du Gabon avait dépassé le plafond de 35% du PIB que le pays s’était imposé dans sa stratégie d’endettement.
Récemment dégradé par l’agence de notation Standard & Poor’s, la note souveraine du Gabon classe désormais sa dette obligataire dans la catégorie « hautement spéculative » aussi bien chez S&P qu’auprès de l’agence Ficth Rating qui la première, dégrada la note du Gabon en mai 2015. Conséquence attendue de cette nouvelle dégradation, le Gabon devrait placer sa dette sur les marchés à des taux plus élevés. Les agences de notation estiment en effet que la baisse des revenus du Gabon engendre un risque supplémentaire pour ses créanciers qui se feront rémunérer ce risque supplémentaire en se faisant payer une « prime de risque ».
En 2016 l’agence S&P projette que la dette du Gabon représentera 37.6% de son PIB. Dans les faits, le dépassement du plafond d’endettement de 35% du PIB inquiète sur la capacité du Gabon à maitriser son endettement dans un contexte de baisse de ressources budgétaires sans pourtant autant affecter sa stratégie de croissance. Le Gabon devrait profiter de cette période difficile pour réaliser les indispensables réformes qui lui permettraient à l’avenir d’être plus résilient aux fluctuations défavorables des prix des matières premières. Ces réformes doivent être axées tant sur la diversification de l’économie que sur les nécessaires réformes étatiques susceptibles de réduire le train de vie de l’Etat, limiter les dépenses somptuaires, supprimer les institutions dont l’efficacité et l’utilité sociale n’est pas démontrée et reformer les mécanismes de subvention de l’Etat notamment sur les produits pétroliers.
Mays Mouissi
Sources principales :
– Loi de finances 2016 de la République gabonaise
– Communiqué final du conseil des ministres du 29 janvier 2016
– Communiqué de presse n° 15/586 du FMI du 24 décembre 2015
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Je partage votre constat et votre analyse sur cette question de fond.Au delà du constat,Il s’agit de mobiliser des ressources partout où cela est raisonnablement possible au plan interne(réduction et/ou maitrise des dépenses publiques, augmentation des recettes fiscales ou douanieres) et externe(financements extérieurs onéreux vu le statut de PRI et la note souveraine degradee du pays).Il faut à tous prix éviter ou contrer l’effet de ciseaux;l’endettement en est un des moyens en principe.Tous les pays vertueux ou non en matière de politique budgétaire y ont recours.