Afrique : Comment transformer la baisse des prix du pétrole en opportunité ?
Les pays africains producteurs de pétrole font face à des difficultés financières. Leurs économies, souvent structurellement dépendantes du secteur pétrolier, souffrent de la faiblesse des prix. Cependant, la chute brutale des cours du baril offre l’opportunité à nombre de ces pays d’engager des réformes et des actions de transformation radicales de leurs modèles économiques. Avec un pétrole qui ne s’échange plus qu’autour de 30 USD le baril, les pays africains producteurs se doivent de trouver de nouvelles ressources budgétaires et d’autres leviers de croissance. Comment transformer la baisse des prix du pétrole en opportunité économique?
Instituer une gestion rigoureuse des finances publiques
La baisse des cours du pétrole entraine pour les pays africains producteurs un recul de leurs ressources budgétaires dont l’ampleur devrait les obliger à s’astreindre à une gestion plus stricte et rigoureuse des finances publiques. Ainsi, les Etats devraient-ils engager une réforme de la dépense publique pour la rendre plus efficace en même temps qu’ils procèderaient à la réduction des charges de fonctionnement en supprimant les institutions publiques dont l’utilité, l’efficacité et la performance ne sont toujours démontrées. Il est urgent de réduire durablement le train de vie des Etats pour orienter les économies ainsi réalisées vers des actions sociales et des investissements structurants.
La réforme de la dépense publique attendue passe donc par une allocation efficace des ressources suivant une stratégie de dépense ayant une visée de long terme préalablement définie.
Avec des ressources budgétaires en net recul par rapport aux 3 exercices précédents, les états peuvent enfin engager la réforme des subventions qu’ils accordent lesquelles sont souvent décriées par les institutions de Bretton Woods. C’est le cas notamment des subventions des hydrocarbures raffinés qui ont représenté au Gabon, au Congo ou au Tchad jusqu’à 10% du budget national. S’il faut reconnaitre qu’une réforme, voire la suppression des subventions sur les hydrocarbures ne sera pas sans conséquence, pour les industries notamment, il faut également s’accorder à reconnaitre que ces subventions sont très onéreuses et leur impact social reste relativement faible. Par ailleurs, si ces subventions pouvaient se justifier quand les prix étaient au plus haut, l’argument du coût prohibitif (pour les population) des hydrocarbures raffinés n’est plus opposable aux états dans un contexte de prix bas.
Par ailleurs, l’assèchement des finances publiques des pays africains producteurs, conséquence de la dégringolade des prix du pétrole, rend indispensable la modernisation du système fiscal de chacun de ces pays. Il faut élargir les rentrées fiscales. Pour y parvenir, il est nécessaire d’adapter le système fiscal de ces états à la nature des acteurs économiques qui composent leur tissu économique. On observe, en effet, qu’il s’agisse du Nigéria, de l’Angola, du Cameroun, du Congo ou du Gabon, de nombreux opérateurs du secteur informel échappent à l’impôt. Ces contribuables potentiels, très nombreux et dont on mesure encore mal le poids économique, exercent dans l’informel en partie parce que nos modèles fiscaux inspirés de l’occident ne sont pas adaptés à ce phénomène propre aux pays d’Afrique. Par ailleurs, dans bien de pays, il faut construire une fiscalité sur les revenus des physiques et sur le patrimoine qui tienne compte d’une autre spécificité africaine … l’absence de titres de propriété susceptibles de justifier la possession voire la location d’un bien.
Accélérer la diversification économique des états
Si les pays africains producteurs de pétrole souffrent tant de la baisse de cours, c’est parce que leurs économies sont encore trop peu diversifiées. Souvent évoquée comme solution pour accroitre la résilience des pays africains producteurs, la diversification de l’économie et des sources de recettes budgétaires est encore balbutiante. Avec un cours du pétrole qui peine à se maintenir au-dessus de 30 USD le baril, les pays pétrolier du continent n’ont guère d’autres choix que d’amplifier leurs actions de diversification économique qui doivent désormais apporter des résultats.
Il faut donc que chaque Etats, en tenant compte de ses spécificités identifie et stimule dans son économie les secteurs susceptibles de constituer des relais de croissance. La diversification de l’économie rendue nécessaire par le contexte économique actuel doit répondre à une stratégie claire, acceptée et soutenue par les populations, les acteurs économiques nationaux et les bailleurs de fonds internationaux.
Ainsi la diversification économique idéale doit-elle favoriser une croissance inclusive, créatrice d’emplois et génératrice de revenus tant pour les Etats et les populations que pour les acteurs économiques. Elle doit être suffisamment large pour avoir un effet d’entrainement positif sur de nombreux segments d’activités économiques et industrielles des pays.
Pour conclure, la baisse des prix du pétrole est certes douloureuse pour les pays africains producteurs, mais il n’appartient qu’à ces Etats d’en faire une opportunité et de profiter de cette crise pour construire des modèles économiques plus équilibrés et plus résilients aux fluctuations des prix des matières premières.
Mays Mouissi