CEMAC : Pourquoi le FMI préconise-t-il des mesures économiques uniformes à des pays différents ?
La semaine écoulée, la Directrice générale du FMI Christine Lagarde, a entrepris une mini-tournée en Afrique l’ayant conduit au Nigéria et au Cameroun. Dans ces 2 pays, au Cameroun notamment, Christine Lagarde a livré ses préconisations pour les pays de la région. Si les préconisations faites par Mme Lagarde ne manquent pas de sens, il faut cependant dénoncer le recours à des préconisations de stratégies économiques indifférenciées aux 6 pays de l’espace CEMAC comme si leurs économies étaient uniformes et dénués de toutes spécificités.
Les préconisations de Christine Lagarde aux pays de la CEMAC
En présence des ministres des finances des pays de la CEMAC, du gouverneur de la BEAC (la banque centrale commune aux 6 pays membres) et de dirigeants camerounais tous réunis pour l’occasion à Yaoundé (Cameroun), Christine Lagarde a livré ses observations sur le modèle économique desdits états et indiqué ses préconisations. Ainsi pense-t-elle que :
– l’instauration d’incitations et de régimes fiscaux dérogatoires pour attirer les investisseurs ne sont pas des choix judicieux ;
– il est nécessaire d’investir dans des infrastructures à valeur ajoutée, au lieu de « multiplier les projets indéfiniment » sous-entendant que les 6 pays de la zone sont tous engagés dans de nombreux projets dont l’impact économique reste limité ;
– il est nécessaire d’améliorer le climat des affaires sans lequel aucun essor économique n’est possible.
Au passage, Mme Lagarde a Jugé inefficace les mécanismes d’exonérations fiscales offerts par les pays de la CEMAC pour créer de la croissance, la Directrice du FMI a également négligé l’impact des « forums d’investissement lancés à grands renforts de publicité ».
On ne peut préconiser des mesures économiques uniformes à 6 pays différents
S’il faut s’accorder à reconnaitre que certains pays de l’espace CEMAC, à l’instar du Gabon et du Congo, ont érigé au cours des dernières années des zones économiques spéciales bénéficiant de régime fiscaux privilégiés et bâties sur le modèle des zones franches asiatiques, force est de constater que le poids économiques de ces espaces économiques et les exonérations dont elles bénéficient ne sont pas de nature à déséquilibrer l’économie des pays concernés.
En effet, au Cameroun, pionnier dans la région, qui a légiféré dès 1990 sur les zones franches, la contribution de l’office national des zones franches industrielles dans l’attraction des IDE reste anecdotique. A l’inverse, au Gabon, la création d’une zone économique spéciale à Nkok (dans la banlieue Est de Libreville), bien que n’ayant pas atteint les objectifs d’occupation et de création d’emploi qui lui étaient assignés, a permis l’installation d’entreprises (notamment dans la transformation du bois) dont on peut douter qu’elles se seraient installées au Gabon si elles n’avaient pas bénéficiées de régime fiscal privilégié. C’est donc bien que la situation n’est pas homogène au sein des pays de la CEMAC.
Par ailleurs, il est étonnant qu’au moment même où les pays occidentaux s’efforcent de réduire leur fiscalité et mettent en place divers systèmes incitatifs au profit des entreprises (à l’image du crédit d’impôts compétitivité emploi CICE en France), la Directrice du FMI conseille aux pays à la Centrafrique, au Cameroun, au Gabon, à la Guinée Equatoriale et au Tchad de faire exactement l’inverse.
Quant à la nécessité d’investir dans les infrastructures à valeur ajoutée, il faut bien reconnaitre que cette préconisation est une vérité générale pour tous les pays. Tout comme la préconisation d’améliorer l’environnement des affaires est une lapalissade. D’ailleurs, les efforts attendus dans ce domaine sont nécessairement spécifiques à chaque pays et c’est peut-être ces points que Mme Lagarde aurait dû développer de façon plus détaillée dans son allocution. En effet, le monde économique était en droit d’attendre une analyse plus poussée qui aurait pu être appréciée comme la contribution du FMI au regard de la situation économique propre à chaque pays. A ce stade, il convient de rappeler que les communiqués publiés à l’issue des consultations annuelles réalisées par le FMI dans le cadre de l’article IV restent encore trop général, pas suffisamment précis et prospectifs en ce qui concerne les 6 pays de la CEMAC.
Enfin, est-il utile de le rappeler, ni en Afrique, ni ailleurs, des mesures uniformes appliquées sans discernement n’ont été efficaces pour l’économie des Etats.
Mays Mouissi
Source principale :
– Allocution de Christine Lagarde à Yaoundé