Afrique : Les entreprises face aux retards de règlement de la dette intérieure
Dans de nombreux pays d’Afrique, notamment dans les pays africains membres de l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires (OHADA), le recouvrement des créances des entreprises locales sur l’Etat est un sujet prégnant. Les délais de règlements trop longs de la dette intérieure mettent en péril la survie des entreprises qui sont bien souvent démunies face à un état trop puissant. Qu’est ce qui compose la dette intérieure d’un Etat ? Quelles peuvent être les conséquences des retards observés dans le règlement de la dette intérieure ?
La procédure de recouvrement, un centre de coût pour l’entreprise
On regroupe sous le vocable dette intérieure l’ensemble des créances des entreprises installées sur le territoire national d’un pays. La dette intérieure regroupe ainsi :
– Les dettes sociales (qui comprends notamment les arriérés de salaires) ;
– Les dettes commerciales (l’ensemble des dettes envers les entreprises locales et les fournisseurs de l’Etat) ;
– Les dettes fiscales (comprenant notamment les crédits d’impôts à reverser aux contribuables).
En 2013, la dette intérieure des 8 pays de l’UEMOA était évaluée à 1450 milliards FCFA par le Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Recouvrée tardivement, la dette intérieure n’est pas sans conséquence pour les entreprises en même temps qu’elle affecte les performances macroéconomiques des Etats.
En effet, de par sa nature l’ouverture d’une procédure de recouvrement constitue un centre de coût non compensé pour les entreprises. Par ailleurs, l’ouverture d’une procédure de recouvrement ne garantit pas à l’entreprise le remboursement de sa créance in fine, y compris quand le débiteur est un organisme public. En raison des retards récurrents rencontrés dans le règlement de la dette intérieure, de nombreuses entreprises, notamment les PME créancières de l’Etat font face à des difficultés de trésorerie. Par ailleurs, les difficultés qu’elles ont à recouvrer leurs créances sur l’Etat affectent leur compétitivité, leur rentabilité, le développement de leur activité et parfois leur survie.
Au plan macro-économique les difficultés rencontrées par ces entreprises sont de nature à entrainer un ralentissement économique et accroitre le taux de chômage.
Les recours aux juridictions étrangères
Pour protéger l’Etat de toute saisie qui pourrait conduire à la suspension de la réalisation d’un service public, les dispositions de l’article 30 de l’Acte uniforme sur procédures simplifiées de recouvrement de créances et des voies d’exécution de l’OHADA l’ont doté d’une immunité d’exécution. L’Etat ne pouvant faire l’objet de saisie sur son territoire, les entreprises locales disposent de peu de moyens pour l’obliger à s’acquitter de ses créances échues.
Ainsi, de plus en plus, on observe que des entreprises en conflit avec des Etats africains portent le contentieux devant des juridictions étrangères ou internationales pour obtenir le règlement de leurs créances sur des organismes publics. Quelques exemples permettent de l’illustrer :
– En novembre 2015, un collectif de 114 PME gabonaises a déposé une plainte contre l’Etat au tribunal de Paris en raison du non-règlement de créances évaluées à 32 milliards FCFA.
– En Septembre 2015, le Directeur d’une société de BTP de droit gabonais (Groupement Santullo) a réclamé le remboursement d’une dette qu’il évaluait à 364 milliards FCFA. Il demandait au tribunal de Paris la saisie d’un hôtel particulier parisien appartenant au Gabon.
– 2000 et 2013 : L’homme d’affaires libanais Mohsen Hojeij a introduit une procédure auprès de la cour d’arbitrage de la CCI de Paris. Il réclamait 800 millions € sur des créances non-recouvrées présumées sur des marchés qu’il aurait réalisé entre 1983 et 1986 au Congo.
A l’analyse, même si les procédures introduites par des entreprises devant des juridictions étrangères pour recouvrer leurs créances sur des états africains ne prospèrent par toujours, elles ont le mérite d’entrainer bien souvent une réaction rapide des autorités gouvernementales concernées. L’Etat gabonais par exemple, dans les 2 semaines qui ont suivi la saisine des juridictions françaises dans les affaires précitées, a procédé au règlement d’une partie de sans dette intérieur dans un cas et a proposé un échéancier de paiement dans l’autre.
Mays Mouissi
Source principale :
– Acte uniforme sur procédures simplifiées de recouvrement de créances et des voies d’exécution de l’OHADA du 10 avril 1998