Gabon : Comment BR Sarl a escroqué ses clients
43% de rendement garanti en 3 mois, telle était la promesse de BR Sarl. Présentée comme un établissement de microfinance et exerçant cette activité de collecte d’épargne auprès de tiers depuis 3 ans, l’entreprise gabonaise Bâtisseur de richesse Sarl (BR Sarl) a périclité. La faillite de cette entreprise met à nu une fraude à grande échelle doublée d’un vaste scandale financier au sein duquel environ 10 000 personnes ont perdu la totalité de leur épargne. Face à la détresse des épargnants de BR Sarl, nous avons réalisé une analyse de la situation de cette entreprise dont nous avons tiré 2 principales conclusions : BR Sarl n’aurait jamais dû exercer en tant qu’établissement de microfinance ; le ministère gabonais de l’économie et la Commission bancaire d’Afrique centrale (COBAC) ont échoué dans leurs missions de protection des épargnants et portent chacun une responsabilité dans ce scandale.
Dans un communiqué daté du 13 octobre 2015, BR Sarl annonçait à sa clientèle la fermeture de ses agences sur l’ensemble du territoire de la République gabonaise au motif qu’elle faisait face à des dysfonctionnements et qu’elle rencontrait des difficultés avec ses partenaires financiers. Comment en est-on arrivé là ?
Le promoteur de BR Sarl, un repris de justice
L’exercice de l’activité d’établissement de microfinance au Gabon est encadrée par le règlement N°01/02/CEMAC/UMAC/COBAC. Sur le fondement des dispositions de l’article 43 de ce règlement « … nul ne peut administrer, diriger ou gérer un établissement … s’il a fait l’objet d’une condamnation pour crime, abus de confiance … ». Or nous constatons que le promoteur de BR Sarl M. Yves Mapakou, ancien pasteur, a été condamné à 5 ans de prison ferme pour le viol d’une mineure de 13 ans par Cour criminelle de Libreville en mars 2009.
De fait cette condamnation le disqualifie pour exercer une quelconque fonction de management dans le milieu bancaire et financier. Sa présence dans le dossier de demande d’agrément devait donc se traduire par une fin de non-recevoir du Ministère gabonais de l’économie à qui l’article 23 du règlement N°01/02/CEMAC/UMAC/COBAC confère le pouvoir d’instruction des demandes d’agréments des établissements de microfinance.
Dans un communiqué daté du 17 novembre 2015 par lequel il souhaitait se dédouaner de toute responsabilité dans l’affaire BR Sarl, le ministère gabonais de l’économie par le biais du Directeur général de l’économie et de la politique fiscale indiquait « ni […] BR Sarl, ni ses dirigeants n’ont obtenu des agréments délivrés par le Ministre de l’Economie. ». Si l’en s’y tient, cela revient à dire que BR Sarl a pendant 3 ans collecté l’épargne des gabonais, accordé des crédits à des tiers sans autorisation officielle, sans que l’autorité de tutelle n’interviennent pour mettre fin à cette forfaiture, alors même que le Directeur de la structure est réputé être un criminel.
BR Sarl et la fraude pyramidale
43% de rendement en 3 mois ou 20% d’intérêts mensuels sur les dépôts collectés selon les offres, BR Sarl attirait sa clientèle en affichant une rémunération des dépôts très largement au-dessus de la moyenne du marché pour nourrir son système de fraude. En effet, la fraude déployée par BS Sarl suit un schéma de Ponzi (ou système de Ponzi) aussi connu sous le nom de fraude pyramidale rendu célèbre en 2008 par le financier américain Bernard Maddoff qui l’a utilisé à très grande échelle.
La fraude pyramidale développée par BR Sarl a consisté à rémunérer les dépôts des premiers épargnants directement à partir des dépôts des épargnants suivants. En agissant ainsi et tant que le flux des dépôts des nouveaux entrants restait conséquents, BR Sarl n’avait aucune difficulté à verser les intérêts prohibitifs qu’elle promettait à ses clients.
Il semble cependant qu’en 2015 l’activité de BR Sarl a commencé à se tasser. Le flux de dépôts des nouveaux entrants ne permettait plus d’assurer la rémunération des premiers clients, eux-mêmes beaucoup plus nombreux. L’escroquerie montée par BR Sarl a donc été confronté à un assèchement progressif de liquidités qui a eu pour effet de faire s’écrouler le système et accessoirement conduire le principal dirigeant à prendre la fuite. Le système a ainsi duré 3 ans, sans que les épargnants peu habitués aux techniques financières ne s’aperçoivent de rien. Par contre ni la COBAC, ni le ministère gabonais de l’économie et dans une moindre mesure la commission de surveillance des marchés financiers (COSUMAF) ne doivent s’exonérer d’avoir une responsabilité dans cette affaire.
La négligence de la COBAC et du ministère gabonais de l’économie
Si l’on se réfère au communiqué du ministère gabonais de l’économie, l’instruction des demandes d’agréments des établissements de microfinance qui lui incombe se déroule dans le cadre du conseil national du crédit présidé par le Ministre de l’économie. L’instruction de la demande d’agrément d’établissement de microfinance tient compte de l’avis technique de la COBAC en qualité de régulateur. Le communiqué du ministère concluant à l’absence de remise d’un agrément à BR Sarl, cela induit 2 possibilités :
– Soit une demande d’agrément a été déposée par BR Sarl et le ministère de l’économie (et la COBAC) a conclu à un refus en raison de la fragilité du dossier et des antécédents judiciaires évidents du promoteur, auquel cas BR Sarl aurait bravé la décision des autorités. Dans cette hypothèse, il était du devoir du ministère de l’économie et de la COBAC de réagir sans délai et de réprimer BR Sarl pour protéger les épargnants potentiels.
– Soit BR Sarl a exercé une activité réglementée tout en s’étendant à travers le Gabon en s’exonérant de toutes demandes d’agrément, auquel cas le ministère de l’économie et la COBAC sont responsables de n’être pas intervenus pendant 3 ans alors que des épargnants étaient victimes d’escroquerie.
Dans un cas comme dans l’autre, les dispositions réglementaires sont claires. En effet l’article 58 du règlement N°01/02/CEMAC/UMAC/COBAC donne pouvoir à la COBAC d’agir si une personne agissant pour son compte ou pour le compte d’une personne morale exerçait l’activité d’établissement de microfinance en l’absence d’agrément. Cet article prévoit d’ailleurs pour la personne concernée des peines allant de 3 mois à 2 ans de prison et une amende comprise en 100 000 et 10 millions FCFA.
L’article 59 du même règlement va encore plus loin puisqu’il prévoit des peines d’emprisonnement pour quiconque ferait obstacle à la COBAC dans l’accomplissement de ces missions.
Dès lors on peut s’interroger : Pourquoi ni le ministère de l’économie, ni la COBAC, ne sont intervenus pour mettre un terme à l’activité de BS Sarl ? Peut-on imaginer que ces 2 institutions n’avaient pas connaissance de l’existence de BR Sarl ?
Le ministère de l’économie et la COBAC connaissaient l’existence de BR Sarl
Pour attirer le maximum d’épargnants, BR Sarl s’est livré pendant des années à une communication multi-supports où elle s’adressait aussi bien à des PME, des associations, des coopératives, des élèves qu’à des hommes politiques.
Les publicités de BR Sarl ont été assidument relayées pendant des mois à travers les médias du pays. Bien pensée, la communication multicanal de BR Sarl intégrait aussi bien des spots radios et télés ainsi qu’une communication via le web. La récurrence de ces publicités dans les principaux médias du pays fait que les autorités ne peuvent se cacher derrière la méconnaisse de cette société. Par ailleurs, plusieurs agents de l’Etat avaient domicilié leur salaire chez BS Sarl via ses banques partenaires. L’état ne pouvait l’ignorer, encore moins la commission bancaire auquel cas il y aurait des raisons de s’inquiéter.
Nous vous proposons d’écouter ci-dessous une publicité de BR Sarl diffusée sur les télévisions gabonaises. Cette publicité, outrageusement mensongère et trompeuse n’aurait pas dû laisser sans réaction la COBAC et le ministère de l’économie. En effet outre les taux fantaisistes annoncées, BR Sarl qui se présente comme un spécialiste du Forex trading (qui nécessite un agrément qu’elle n’avait pas non plus) et fait de nombreux amalgames.
Par ailleurs, présentant BR Sarl comme une société spécialisée dans le Forex trading, activité de marché hautement spéculative, les publicités télévisées de BR Sarl auraient dû également attirer l’attention ou du moins faire réagir la commission de surveillance des marchés financiers (COSUMAF). En effet, revendiquant l’exercice d’une activité de marché, grâce à laquelle elle aurait été capable de verser une rémunération de 20% pour chaque Franc CFA déposé dans ses livres, BR Sarl aurait dû tomber sous le coup des dispositions de l’Instruction n°01-15 du 17 septembre 2015 puisque n’étant pas agréée pour faire du forex.
Les informations commerciales de BR Sarl telles que présentées dans ses supports publicitaires :
– Nom commercial : Bâtisseur de richesse Sarl (BR Sarl)
– Numéro RCCM : 2013B14243
– Numéro Statistique : 030079 Y
– NIF : 30079Y
– BP : 6718 Libreville / Gabon
Mays Mouissi
Sources principales :
– Des épargnants de BR Sarl souhaitant rester anonymes
– Règlement N°01/02/CEMAC/UMAC/COBAC
– Instruction n°01-15 du 17 septembre 2015 relatives aux sanctions disciplinaires et pécuniaires prononcées par la COSUMAF
– Supports de communication de BR Sarl
1 réponse
[…] Il est clair qu’aucun placement en l’état actuel du marché ne peut justifier que Global Invest, Magnificat Invest, Promo XS et BR Sarl Gabon versent ou même promettent à leur client une rémunération 75 fois supérieure à celle des banques. Au contraire, leurs offres ont des allures d’un vaste système de Ponzi (donc une fraude pyramidale) qui entrainera à terme d’importantes pertes pour les épargnants comme c’est déjà le cas pour les clients de BR Sarl. En effet, près de 10 000 clients de BR Sarl ont perdu leur épargne tandis que le Gérant de la str…. […]