Afrique : Analyse des échanges commerciaux avec l’Union européenne
Longtemps considérés comme partenaires économiques privilégiés du continent africain, l’Union européenne et ses 28 pays doivent désormais faire face aux grands pays émergents qui leur disputent le leadership dans les échanges commerciaux avec l’Afrique. Rongée par une crise multiforme depuis 2008, l’Europe milite pour que les pays africains dans leur ensemble signent les accords de partenariat économique (APE) qui lui assureraient un accès quasi-illimité aux marchés africains, avec un tarif douanier préférentiel. L’Europe croit ainsi pouvoir accroitre le volume de ses exportations vers l’Afrique mais feint d’ignorer qu’une application intégrale des APE aurait pour effet d’asphyxier des industries africaines encore trop peu robustes pour survivre à une libéralisation de leurs marchés nationaux.
De la convention de Lomé aux APE
Encadrés par la Convention de Lomé (Togo) dès 1975 puis par les Accords de Cotonou (Bénin) à partir de 2003*, les échanges économiques entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique ont toujours été déséquilibrés en raison notamment de la faiblesse du tissu industriel des pays d’Afrique face à la puissance des industries de l’UE. Pour rétablir une sorte d’équilibre dans les échanges, l’UE et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) se sont accordés pour ouvrir le marché européen aux produits issus des pays ACP sans que l’impôt douanier ne leur soit exigible.
La Convention de Lomé comme les Accords de Cotonou n’accordaient pas la réciprocité aux produits européens exportés vers l’Afrique, cependant ils prévoyaient dans leurs dispositions, la mise en place de nouveaux accords de partenariat économique (APE) en 2007, lesquels devaient permettre un accès réciproque des signataires aux différents marchés avec les mêmes conditions préférentielles. Seulement voilà, depuis 2007 de nombreux pays africains ne sont toujours pas prêts à supporter les effets d’une libéralisation et donc à s’engager dans les APE. Certains pays les ont signés en l’état, d’autres comme le Cameroun et l’Ile Maurice ont signé une version allégée et d’autres encore continuent leur négociation avec l’UE. Face aux APE l’Afrique n’a pas pu parler d’une seule voix.
Seulement 28% des produits manufacturés exportés vers l’Europe par l’Afrique
Bien qu’ils progressent moins rapidement comparé au commerce avec la Chine, les échanges commerciaux entre l’UE et l’Afrique demeurent à un niveau appréciable. En effet, le volume des échanges entre les l’Afrique et l’Union européenne était de 358 milliards USD en 2013 et se décomposait comme suit :
– 150 milliards d’exportations de l’Union européenne vers l’Afrique ;
– 208 milliards d’exportations africaines vers l’Union Européenne.
L’analyse détaillée des exportations africaines permet de constater que les hydrocarbures et les produits miniers représentaient 72% des exportations africaines vers l’Europe en 2013. Les produits manufacturés à valeur ajoutée se limitaient à 28% du total des exportations. En clair, les économies africaines ne sont toujours pas suffisamment diversifiées ni suffisamment industrialisées pour faire face à une libéralisation.
Si l’Europe est à la recherche de nouveaux débouchés, l’Afrique avec sa croissance moyenne de 5% par an depuis 10 ans peut constituer un relais de croissance. Il faut pour cela que l’Europe n’envisage pas ses investissements en Afrique uniquement sous le prisme des APE. Elle se doit d’être présente dès maintenant pour profiter à moyen terme du marché intérieur africain qui se développe et surtout pour ne pas se laisser distancer par les nouveaux acteurs offensifs que sont les pays émergents.
Mays Mouissi
* Les accords de Cotonou ont été signés le 23 juin 2000 mais ne sont rentrés en vigueur qu’à partir du 1er avril 2003.
Sources principales :
– « L’Union européenne et l’Afrique (le G80) – La photographie du commerce, exportateurs & importateurs, les locomotives », Flé Doumbia, publié le 1er décembre 2014 aux Editions Sides