Le défi de la réduction des dépenses publiques dans les pays de la CEMAC
La baisse des prix du pétrole affectent les ressources des pays de l’espace CEMAC* dont 5 membres sur 6 sont producteurs d’hydrocarbures. Face aux tensions budgétaires que rencontrent ces pays, la réduction des dépenses publiques, souvent conseillée mais jamais réalisé, est devenue indispensable. En dépit de l’urgence économique qui appelle pour chaque Etats des mesures d’économies fortes, les pays de la CEMAC continuent de conserver un train de vie dispendieux à la charge des contribuables. Comment parvenir à une réduction de la dépense publique dans les pays de la CEMAC ?
Des pays ultra-dépendants de la rente pétrolière
La baisse des prix du pétrole observée sur les marchés internationaux crée d’importants déséquilibres macroéconomiques dans de nombreux pays pétroliers. En effet, depuis juin 2014, le cours du baril de brut a perdu près de 60 % de sa valeur passant de 110 USD à 45 USD. Les pays dont l’économie repose essentiellement sur les revenus tirés de la rente pétrolière et qui ne sont pas dotés de puissants fonds souverains sont particulièrement touchés. Ainsi l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN), relève-t-il que les cours actuels du baril sont de nature à impacter l’équilibre budgétaire des pays producteurs de pétrole. Cependant, les grands producteurs du Golfe peuvent compter sur leurs investissements étrangers et les réserves financières accumulées au fil des années pour limiter les effets de la baisse des prix.
En Afrique, les pays producteurs d’hydrocarbures sont les principales victimes de la chute des cours. L’IFPEN estime qu’un baril s’échangeant à 60 USD entraine pour ces pays une perte de PIB comprise entre 2.7 et 10% et qui explique les tensions de trésorerie qu’on observe chez plusieurs pays africains producteurs.
Des charges de fonctionnement trop élevées
Dotés pour la plupart d’une économie peu-diversifiée et souvent mono-produit, les pays africains producteurs peinent à engager les réformes susceptibles de les rendre plus résilients aux fortes fluctuations des prix du pétrole. Alors que l’ampleur de la baisse des prix appelle de la part des gouvernements des mesures d’urgence d’économies pour préserver les équilibres économiques et sociaux, certains pays continuent de s’illustrer par des trains de vie dispendieux, en total déconnexion avec la situation de leurs finances publiques. A ce titre, les exemples du Gabon, du Congo-Brazzaville et de la Guinée Equatoriale sont particulièrement éloquents.
Si, la chute des prix du pétrole a conduit le Gabon, le Congo et la Guinée Equatoriale à revoir à la baisse leurs budgets respectifs et à annoncer des mesures visant à réduire le train de vie de leur administration étatique, on note que ces annonces tardent à se traduire dans les faits.
Dans le cas du Gabon, réuni en séminaire du 23 au 25 janvier 2015 à la Pointe-Denis (près de Libreville), le gouvernement s’était engagé à réduire le train de vie de l’Etat. Pour montrer leur volonté d’y parvenir, le gouvernement gabonais pris même la décision symbolique de réduire les salaires des ministres. 9 mois plus tard, le gouvernement gabonais semble s’être éloigné de ses engagements de réduction du train de vie de l’Etat. Alors que l’ancien gouvernement était déjà composé de 34 membres, le nouveau gouvernement annoncé le 11 septembre dernier compte lui 41 membres obérant ainsi les charges de fonctionnement.
Par ailleurs, une analyse de l’architecture institutionnelle des pays de la CEMAC permet de mettre en exergue des institutions souvent pléthoriques et parfois en doublon. Il en est ainsi des gouvernements dont le nombre de membres oscille entre 29 (pour la Centrafrique) et 89 (pour la Guinée Equatoriale).
Nombre de ministres composant le gouvernement | |||||
Guinée Equatoriale | Cameroun | Gabon | Congo | Centrafrique | Tchad |
89 | 60 | 41 | 35 | 29 | 29 |
Alors que le Tchad, la Centrafrique et le Cameroun ont choisi de conserver chacun un parlement monocaméral avec pour mission, le vote de la loi, le consentement de l’impôt et le contrôle de l’action du gouvernement. Le Gabon, le Congo et la Guinée Equatoriale ont décidé de créer une chambre supplémentaire (le Sénat) avec les mêmes missions que la première (l’Assemblée nationale) mais dont la charge n’est pas neutre pour les finances publiques.
Au Gabon, sur la seule année 2014, la Présidence de la République, la primature, l’Assemblée nationale, le Sénat et la Cour Constitutionnelle ont engendré une charge cumulée de 255 milliards FCFA au budget de l’Etat (soit environ 10% du budget général).
Budget des institutions gabonaises en milliards FCFA (2014) | |||||
Présidence de la République | Assemblée nationale | Primature | Sénat | Cour Constitutionnelle | Total |
164 | 34,5 | 22,7 | 19,6 | 14,2 | 255 |
Quelles mesures pour réduire le train de vie des États ?
Face à la baisse des prix du pétrole conjuguée au vieillissement des principaux champs pétroliers des 5 pays de la CEMAC producteurs d’hydrocarbures, quelles mesures peuvent être prises pour réduire les dépenses publiques des états ?
Les Etats doivent mieux contrôler la dépense publique, leur sincérité, leur destination voire même leur utilité. Il s’agira pour chaque Etats de distinguer les dépenses utiles des dépenses superflues et ainsi parvenir à réaliser des économies.
Alors que de nombreux rapports d’institutions internationales ont souvent critiqué les effectifs pléthoriques dans l’administration des pays de la CEMAC et une qualité de service très aléatoire, il est urgent pour les pays de la CEMAC de dégrossir les rangs personnel public. Par ailleurs, une meilleure répartition des fonctionnaires qui tienne compte des besoins réels de chaque administration aurait pour effet d’améliorer la qualité du service public.
Les charges salariales représentant la part la plus importante dans les dépenses de fonctionnement des Etats et compte-tenu de l’ampleur de la baisse des cours du pétrole, un moratoire sur le gel des plus hauts salaires dans l’administration publique pourrait être proposé aux partenaires sociaux. Une telle mesure, ne saurait être comprise et acceptée que si elle est précédée d’une mesure de réduction des effectifs au sein des principales institutions du pays (gouvernement et Assemblée nationale notamment) et d’une suppression le cas échéant du Sénat dont l’utilité n’a toujours pas été démontrée.
Autre levier d’économie pour les Etats, le budget des armées. A l’analyse, les pays de la CEMAC consacrent une part importante de leur budget aux dépenses militaires. Bien que la menace terroriste se soit accentuée ces dernières années pour certains pays, les budgets affectés aux armées peuvent être réduits de façon à privilégier les dépenses sociales.
Enfin, dans chaque pays de l’espace CEMAC peuvent être commandités des audits afin d’identifier les subventions publiques inefficaces et le cas échéant supprimer celle dont l’utilité n’est pas avérée.
Alex Saizonou & Mays Mouissi
* La communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) réunit les 6 pays d’Afrique centrale ayant en partage le Franc CFA. Il s’agit du Cameroun, de la Centrafrique, du Congo, du Gabon, de la Guinée Equatoriale et du Tchad