Afrique : L’impact des baisses des prix du pétrole sur la croissance des pays producteurs
Amorcée en 2014, la chute des prix du pétrole se prolonge et s’amplifie. En Afrique, les pays producteurs d’hydrocarbures font face à des tensions de trésorerie en raison de la faible diversification de leurs économies. Quels sont les impacts de la baisse des prix du pétrole sur la croissance des pays producteurs africains ?
Le financement des projets de développement impacté
L’amplitude de la baisse des cours du pétrole est telle que les ressources budgétaires de tous les pays pétroliers du continent seront impactées. On observe, pour le déplorer, que les grands pays africains producteurs d’hydrocarbures ont en commun d’avoir des économies peu diversifiées. Il en résulte qu’ils sont peu résilients aux chocs exogènes qui impactent les cours mondiaux du pétrole. Certes, les pays qui se sont dotés de puissants fonds souverains ou d’un niveau élevé de réserves de change comme l’Algérie et l’Angola disposent d’une plus grande marge manœuvre, mais dans l’ensemble les producteurs d’hydrocarbures africains ont vu reculer leurs ressources budgétaires, leurs niveaux d’investissement et par voie de conséquence la croissance de leur PIB.
La portée de la baisse des recettes budgétaires sur les projets de développement des Etats peut être analysée à partir de deux variables :
– La variable budgétaire qui procède de la capacité des gouvernements à mobiliser les ressources nécessaires au financement desdits projets ;
– Les arbitrages dans la stratégie d’investissement propre à chaque Etat imposés par la dégradation des cours du pétrole qui s’élevaient à plus de 100 USD en septembre 2014 et qui ne s’échangent plus qu’à 40 USD 12 mois plus tard.
Dans un cas comme dans l’autre il est illusoire de penser qu’avec une baisse des cours du pétrole de cette ampleur, les Etats pourraient continuer de financer un grand nombre de projets de développement sur leurs ressources propres. Il n’est pas exclu que les Etats sollicitent des financements extérieures pour faire aboutir certains projets et retardent la mise en œuvre d’autres.
Le risque d’une dégradation sociale
Les projets d’investissements nécessitant un fort engagement financier des Etats pourraient être les premières victimes de la dégradation des cours. Il en est de même pour les projets dont le financement repose exclusivement sur des ressources publiques.
Les impacts du choc pétrolier en cours vont bien au-delà des seuls projets d’investissement. Il y aura nécessairement des impacts sociaux. Si les cours se maintenaient durablement à leurs niveaux actuels, il faut s’attendre à un accroissement du chômage, à la baisse du pouvoir d’achat des ménages, au recul de la consommation, à une dégradation des services sociaux fournis par les Etats ou leurs démembrements. Il faut donc que chaque gouvernement travaille à la mise en place de protections sociales susceptibles d’empêcher le déclenchement de crises pouvant avoir un impact sur la stabilité des Etats.
Les initiatives africaines face à la baisse des cours
Face à la chute des prix du pétrole, les pays pétroliers du continent ont pourtant été obligé d’agir. La baisse des cours les a contraints de revoir leurs projections budgétaires pour l’année 2015 en adoptant des lois de finances rectificatives plus prudentes. En avril dernier, les 18 pays membres de l’Association des producteurs de pétrole africains (APPA) réunis à Abidjan ont appelé à une baisse de la production pétrolière pour stabiliser les cours. Cet appel n’a manifestement pas été entendu puisque les cours du pétrole ont continué de baisser passant même en-dessous du seuil symbolique de 40 USD le baril.
Par ailleurs, on observe que plusieurs pays pétroliers ont recours à l’endettement pour enrayer les effets de la baisse des cours du pétrole sur leurs ressources budgétaires. C’est déjà le cas du Nigeria, de l’Angola et du Gabon, le Congo ne devrait pas tarder à emprunter cette voie. Le recours à l’emprunt ne peut malheureusement être qu’une solution de court terme.
Il faut également souligner que la chute des cours a eu pour effet de favoriser la mise en place de réformes par certains pays producteurs. Les autorités nigérianes ont ainsi lancé une vaste opération anti-corruption dans la filière pétrolière qui s’est traduite par la dissolution du conseil d’administration de la compagnie pétrolière nationale (la NNPC) et l’ouverture d’une enquête sur la disparition présumée de 19 milliards USD (11 217 milliards FCFA) que l’Etat aurait dû percevoir de la NNPC et qu’il n’aurait jamais perçu. Au Gabon, le gouvernement a mis un terme à la subvention des hydrocarbures raffinés dont la charge représentait 200 à 300 milliards FCFA dans le budget de l’Etat. La meilleure parade face aux fluctuations des cours reste cependant la diversification des économies des pays africains producteurs
Le risque que la baisse de la demande chinoise amplifie les conséquences de cette chute des prix
On peut craindre que la panne de croissance chinoise amplifie la chute des cours des hydrocarbures. Au cours des deux dernières décennies, la Chine est devenue un partenaire économique incontournable et l’un des principaux débouchés pour les matières premières africaines. Par ailleurs, le marché chinois représente une part importante de la demande mondiale. La crise du Yuan dont on observe les prémices fait planer sur nos économies le risque d’une nouvelle crise économique mondiale. Comme on peut le voir, les difficultés économiques de la Chine ne sont pas sans conséquence pour les autres pays de la planète en raison du risque systémique.
Au cours des 5 dernières années, le continent africain était sur une dynamique de croissance positive (5% en moyenne). La hausse des prix des matières premières enregistrée pendant cette période y a contribué.
Avec la chute des cours du pétrole, les pays africains producteurs ont dû revoir à la baisse leurs prévisions de croissance pour l’année 2015. Bien que celles-ci demeurent globalement positives, plusieurs pays pétroliers d’Afrique pourraient rentrer en récession si les cours du baril ne franchissaient pas la barre des 80 USD à moyen terme.
Rappelons cependant que la majorité des pays d’Afrique ne produit pas de pétrole. La croissance africaine ne saurait donc être analysée que du seul prisme des économies pétrolières du continent. Si les pays africains producteurs souffrent de la baisse des cours, les pays non pétroliers quant à eux s’en réjouissent puisqu’elle leur est profitable. En effet, les importateurs nets d’hydrocarbures supportent une charge financière allégée dont les effets sur les budgets nationaux et la croissance sont positifs.
Mays Mouissi
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