Nigeria : La nécessité de restructurer le secteur pétrolier pour contrer la corruption
Au Nigéria, plus grand pays producteur de pétrole du continent africain, l’Etat fédéral a créé en 1977 la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) afin qu’elle agisse en son nom et pour son compte dans le secteur des hydrocarbures. Cependant, 38 ans après sa création, la NNPC est l’objet de nombreux scandales de corruption ayant entrainé d’importantes pertes financières pour l’Etat nigérian. Face à ce constat, Muhammadu Buhari qui a été élu à la tête du Nigeria en mars dernier, a choisi de dissoudre le conseil d’administration de la NNPC pour amorcer la restructuration de la compagnie pétrolière nationale.
NNPC : Une gestion décriée
Dotées de missions d’exploration pétrolière, d’exploitation, de trading et de prises de participation dans le secteur des hydrocarbures, la NNPC est un acteur incontournable de l’économie nigériane. La NNPC assure également la gestion des 4 raffineries nationales pour le compte de l’Etat qu’il représente aussi dans les co-entreprises avec les leaders mondiaux du pétrole. En contrepartie de ces missions, la NNPC est tenue de reverser à l’Etat fédéral le produit de la vente des hydrocarbures et de ses recettes d’exploitation non-réinvesties.
Malgré un champ d’actions étendu et un secteur d’intervention particulièrement lucratif, la NNPC est aujourd’hui décriée tant pour les limites observées dans la réalisation de ses missions que pour sa gestion.
En effet, bien que le Nigéria soit leader dans la production pétrolière en Afrique (1.8 millions de baril/jour), le pays est régulièrement confronté à des pénuries de carburant à la pompe. Les capacités de production des raffineries de la NNPC ne permettent pas de répondre à la demande nationale. Au lieu d’investir pour accroitre la production de ses raffineries, la NNPC a préféré s’engager dans des contrats d’échanges de pétrole brut contre des hydrocarbures raffinés.
Alors qu’en 2012 le pays réservait 162 millions de barils de brut à la transformation locale, seul 22% a été raffiné sur place, le reste ayant été proposé à l’échange. Ces contrats réputés opaques auraient fait perdre au Nigeria 107 millions USD (63 milliards FCFA) rien qu’en 2012 selon un rapport de l’ITIE*. Signe de l’opacité du swap brut contre produits raffinés, le négociant international Trafigura a mis fin à son contrat avec le Nigeria pour répondre à l’exigence de transparence du pool bancaire qui le finance.
Par ailleurs, au plan financier de nombreux audits et rapports ont révélé des nombreuses malversations réalisées par la NNPC aux dépends de l’Etat du Nigéria. Ainsi la part de recettes pétrolières reversées par la NNPC aurait été systématiquement minorée. Ainsi le 30 juin dernier, le gouvernement nigerian a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la disparition présumée de 19 milliards USD (11 217 milliards FCFA) que l’Etat aurait dû percevoir de la NNPC et qu’il n’aurait jamais perçu. Les montants en jeu donnent un aperçu de l’ampleur du scandale.
Des solutions pour stopper la déperdition financière
Face à cette déperdition financière, il est urgent que le Nigeria procède à la restructuration de sa société pétrolière nationale et de façon plus large son secteur des hydrocarbures. L’application des standards internationaux en matière de transparence financière et comptable s’impose. Comme l’a proposé le rapport de l’ITIE, les quantités de pétroles bruts réservées au raffinage local doivent être alignées sur les capacités de production des raffineries nationales. Une telle réforme permettrait de mettre un terme aux contrats d’échanges de bruts contre les produits pétroliers raffinés défavorables au Nigeria.
L’Etat du Nigeria doit par ailleurs pouvoir s’assurer que le produit de la vente des hydrocarbures qui lui est reversé par la NNPC, correspond à sa quote part réelle et vérifiable.
Suivez le débat sur les mesures de lutte contre la corruption prise par le gouvernement du Nigeria pour assainir la gestion de la NNPC organisé par la chaine de télévision Africa24 le 30/06/2015 (précédé d’un échange les projets financés par la Banque ouest africaine de développement – BOAD).
Animé par : Amira Bendjaballah Jean Pierre (Journaliste)
Invités :
Mays Mouissi (Consultant)
Daouda Tall (Editorialiste)
Malik Acher (Editorialiste)
* L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) est un organisme international qui établit, actualise et supervise la mise en œuvre de normes de transparences sur les revenus des domaines miniers, pétroliers et gaziers.
4 réponses
[…] Au Nigéria, plus grand pays producteur de pétrole du continent africain, l’Etat fédéral a créé en 1977 la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) afin qu’elle agisse en son nom et pour son compte dans le secteur des hydrocarbures. Cependant, 38 ans après sa création, la NNPC est l’objet de nombreux scandales de corruption ayant entrainé d’importantes pertes financières pour l’Etat nigérian. Face à ce constat, Muhammadu Buhari qui a été élu à la tête du Nigeria en mars dernier, a choisi de dissoudre le conseil d’administration de la NNPC pour amorcer la restructuration de la compagnie pétrolière nationale. […]
[…] évaluées à plusieurs milliards USD en raison de la corruption massive qui le gangrène. Souvent citée dans des scandales de cette nature, la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC)…. En effet, entre 2012 et 2013, la NNPC, compagnie pétrolière nationale, a été au cœur d’un […]
[…] National Petroleum Corporation (NNPC), la puissante compagnie pétrolière nationale souvent présentée comme un maillon important de la corruption dans le pays. 3 mois plus tard, l’ensemble du Conseil d’administration de la NNPC a été limogé. Un […]
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