Gabon : L’étrange financement des annexes de l’Assemblée nationale
Au moment où le Gabon ne cesse d’affirmer son attachement à l’orthodoxie financière et que la chute des prix du pétrole a pour effet de réduire considérablement les ressources de l’Etat, il est curieux de constater que le budget du pays finance des projets fictifs. En effet, Le financement continu de la construction de bâtiments annexes à l’Assemblée nationale et les montants des dotations qui leur ont été affectées interpellent.
52 milliards FCFA pour financer des bâtiments inexistants
Depuis l’exercice budgétaire 2004, la République gabonaise a régulièrement accordé des crédits pour la construction de bâtiments annexes au palais de l’Assemblée nationale. Pas moins de 52.5 milliards FCFA ont été dégagés pour la construction de ces bâtiments officiels. Cependant, en dépit de 11 ans de financement, les annexes de l’Assemblée nationale du Gabon n’ont jamais été construites.
Les annexes de l’Assemblée nationale du Gabon se résument à un terrain vague au quartier Plaine Orety de Libreville, pourtant ce projet a déjà englouti 52.5 milliards FCFA (bien plus que le budget du ministère de l’habitat qui plafonnait en 2013 à 35 milliards FCFA et le 50 milliards que se partageaient 2 provinces au moment des fêtes tournantes) sans qu’on ne sache à quoi ils ont réellement servi.
L’analyse rétrospective des budgets du Gabon nous a permis d’identifier de façon détaillée les différentes dotations affectées à ce projet. Ainsi en 2004, sous la référence budgétaire 13.91.1.0.40, le chapitre « Construction des annexes de l’Assemblée nationale » bénéficiait d’une dotation annuelle de 600 millions FCFA.
De 2004 à 2009, sous la même référence budgétaire 4 milliards FCFA furent affectés au projet. Cependant en dépit de cet investissement massif, aucun bâtiment n’a émergé de l’immense parcelle réservée à la réalisation du projet.
Entre 2010 et 2014, les dotations budgétaires pour la construction des annexes du palais Léon Mba ont connu une croissance exponentielle. Au cours de cette période le législateur a affecté 38.5 milliards FCFA pour la réalisation du projet. Inscrits dans les différents budgets sous la référence 13.91.1.0.01, ces financements émanant du contribuable n’ont pourtant pas engendré la réalisation des édifices attendus.
Enfin sur le seul exercice budgétaire 2015, 11e année de financement de la construction des annexes de l’Assemblée nationale, une enveloppe budgétaire de 10 milliards FCFA a été affectée au projet. Sans résultat.
98% des dépenses budgétaires exécutées
Au regard des montants engagés, nous avons souhaité nous assurer que les dépenses budgétaires inscrites dans les lois de finances sont réellement exécutées. Selon les dispositions des articles 2 et suivants de la loi 4/85 du 27 juin 1985 relative aux lois de finances, l’exécution des budgets de l’Etat est constatée dans une loi dite de règlement. La loi de règlement est votée 2 ans après l’exécution du budget. Ainsi au 31/12/2014, la loi de règlement portant sur l’exercice budgétaire 2012 aurait dû être présentée au parlement.
Sur la base des informations disponibles dans les lois de règlement et dans les rapports économiques et financiers accompagnant les lois de finances, nous avons établi le taux d’exécution des dépenses budgétaires moyen entre 2005 et 2011. Ainsi, a-t-on observé que contrairement à ce qui est souvent affirmé pour justifier l’absence de réalisation des projets inscrits au budget de l’Etat, les lois de finances successives sont quasi-intégralement exécutées.
Entre 2005 et 2011, le taux d’exécution moyen des dépenses budgétaires s’élevait à 98%. L’exécution budgétaire traduit le décaissement des fonds affectés aux différentes lignes budgétaires par le Trésor public. A l’analyse, un tel niveau d’exécution budgétaire aurait dû se traduire par la réalisation des travaux relatifs à la construction des bâtiments annexes à l’Assemblée nationale.
Dotations budgétaires détaillées affectées à la construction des annexes de l’Assemblée nationale
Mays Mouissi
Sources principales :
– Lois de finances du Gabon de 2004 à 2015
– Rapports économiques et financiers accompagnant les lois de finances
– Lois de règlement
– Loi 4/85 du 27 juin 1985 relative aux lois de finances
Une analyse comme on les aime.
Merci vraiment pour votre travail.
A vous seul vous arrivez à réaliser le travail que les gabonais sont en droit d’attendre de la Cour des Comptes.
Surtout continuez Monsieur.
Mays il faut ajouter la photo de cette annexe de l assemblee