Les milliards de l’évasion fiscale qui échappent à l’Afrique
A l’occasion d’un rapport sur les flux financiers en Afrique intitulé « Parlons argent: l’Afrique invitée du G7 », l’ONG internationale Oxfam a dressé un tableau des flux financiers illicites qui échappent aux continents africains de façon illégale. Dénonçons notamment l’évasion fiscale dont se rendent coupables les multinationales opérant en Afrique, l’ONG interpelle les pays du G7 afin de les inciter à agir dans le sens de la justice fiscale.
Évasion fiscale et exonération fiscale
Un groupe d’experts internationaux dirigé par l’ancien Président sud-africain Thabo Mbéki a estimé à 40 milliards USD (23 540 milliards FCFA) les flux financiers sortis d’Afrique en 2010 de façon illégale en raison principalement de la manipulation des prix du transfert** opérée par les multinationales. De ces fonds que le continent a définitivement perdus, 6 milliards USD (3 530 milliards FCFA) auraient dû alimenter les caisses des Etats au titre du paiement de l’impôt. Ainsi peut-on constater que le produit de la fraude fiscale réalisée sur le continent africain est blanchi dans les Etats occidentaux (souvent sous la forme de rapatriement de bénéfices). Une pratique courante au regard des montants en jeu et qui auraient dû tomber sous le coup du « délit de blanchiment de fraude fiscale ».
Non contentes de bénéficier d’une imposition parmi les plus avantageuses au monde, de nombreuses multinationales négocient des exonérations fiscales décennales avec les états africains. Il en résulte un assèchement des ressources publiques dont on ne peut nier l’impact sur le financement du développement des pays concernés. En dépit de nos recherches, il ne nous a pas été possible de trouver pareilles exonérations et pour des périodes similaires dans les grands pays occidentaux.
La nécessité d’une action internationale contre l’évasion fiscale
Constatant l’impact socio-économique de cette perte significative de ressources dont sont victimes les pays africains, l’ONG Oxfam exhorte dans son rapport les pays les plus riches à engager une réforme fiscale internationale. L’objectif d’une telle réforme serait de parvenir à empêcher que les multinationales occidentales n’échappent ou ne minimisent leur niveau d’imposition sur les activités qu’elles exercent en Afrique. De fait, cette évasion fiscale à outrance prive les pays africains de ressources budgétaires indispensables à leur développement.
En effet, à ce jour 40% de la population africaine vit dans l’extrême pauvreté, une proportion 4 fois supérieure à la moyenne mondiale. Sans changement dans les politiques de financement du développement 470 millions d’Africain devraient vivre dans l’extrême pauvreté en 2030.
Par ailleurs, sur la base du coefficient de Gini qui mesure les inégalités au sein des Etats, 6 pays africains figurent parmi les 10 pays les plus inégalitaires du monde. Il s’agit de l’Afrique du Sud, la Namibie, la Botswana, la Zambie, la Centrafricaine et le Lesotho. Oxfam constate également, qu’en proportion du PIB, les élites africaines organisent plus de fuites de capitaux que leurs homologues du reste du monde via des investissements patrimoniaux à l’étranger.
Si l’Afrique parvenait à réduire de 50% son manque à gagner fiscal, elle enregistrerait 112 milliards USD de ressources fiscales supplémentaires d’ici à 2020.
Mays Mouissi
** La manipulation des prix de transfert est une pratique financière illégale qui consiste à surévaluer les importations et sous-évaluer les exportations des biens et services réalisées entre sociétés appartenant à un même groupe dans le but d’échapper à l’impôt ou de réduire son niveau d’imposition.
Source principale :
« Parlons argent: l’Afrique invitée du G7 », Oxfam, 2 juin 2015