Gabon : Delta Synergie, les 50 sociétés et les 34 milliards
A l’occasion d’un article publié le 27 avril dernier, le site d’informations en ligne Médiapart a rendu public un Audit des participations de la Holding Delta Synergie dont le commanditaire demeure inconnu. Resté confidentiel depuis avril 2012, l’audit des participations de Delta Synergie lève le voile sur ce qui apparait comme l’un des plus grands scandales financiers de l’histoire du Gabon. Holding tentaculaire, détenant des participations dans tous les secteurs d’activité lucratifs du pays, Delta Synergie apparait comme un monstre insatiable qui cannibalise l’économie du Gabon au seul bénéfice du Président Ali Bongo et sa famille.
D’où viennent les fonds investis par les actionnaires de Delta Synergie ?
Dans n’importe quel pays de droit, le cas de Delta Synergie interpellerait la cellule nationale de lutte contre le blanchiment d’argent et obligerait la justice à s’autosaisir ne serait-ce que dans le cadre d’une information judiciaire. La Holding Delta Synergie est détenue à 19,5% par Ali Bongo, à 19.5% par sa sœur Pascaline Bongo, à 18.5% par la succession Omar Bongo. Les 43% restant se répartissent entre d’autres membres de la famille Bongo et des proches.
L’analyse des participations de Delta Synergie fait naitre un soupçon de conflit d’intérêts permanent doublé de prises illégales d’intérêts. En effet, alors qu’elle n’a jamais cessé d’avoir parmi ses principaux actionnaires des chefs d’Etats en exercice (Omar Bongo y détenait 37% du capital, Ali Bongo détient 19.5%), Delta Synergie s’est constitué un portefeuille de participation au sein de 50 entreprises parmi les plus lucratives au Gabon.
D’où viennent les fonds investis par les actionnaires de Delta Synergie ?
Comment les fonds investis ont-ils été constitués ? Quels sont les éléments de preuve ?
L’origine des fonds est-elle licite ?
Autant de questions dont on n’a aucune réponse mais pour lesquelles la proximité des actionnaires de Delta Synergie avec les cercles financiers de l’Etat semble donner une indication.
Des participations dans 50 sociétés s’élevant à 25.79 milliards FCFA
Valorisée à 27.8 milliards FCFA dans le cadre de la succession Omar Bongo mais manifestement sous-évaluée puisque cette valorisation ne prend pas en compte les flux futurs actualisés, Delta synergie est certainement l’une des plus importantes société de participations d’Afrique centrale. Notre analyse du rapport d’audit des participations de Delta Synergie nous a permis de mettre en évidence (Télécharger le détail des participations de Delta Synergie au format Excel) :
– Des participations dans 50 sociétés ;
– Un montant global des participations s’élevant à 25.79 milliards FCFA ;
– Des dividendes perçus sur la période 2006 -2011 d’au moins 8.4 milliards FCFA.
Soit un total participation + dividendes égale à 34.2 milliards FCFA.
Fait curieux, parmi les 50 sociétés dans lesquels Delta Synergie détient des participations, le rapport d’audit révèle qu’il en est 2 pour lesquelles elle ne détient aucune documentation pertinente, ni information. Il s’agit des sociétés :
– SEGUIBAT, basée en Guinée Equatoriale, au sein de laquelle Delta Synergie a investi 470 millions FCFA mais dont elle ignore pourtant si elle y détient toujours des actions ou pas. Un non-sens économique.
– AMEP dont Delta Synergie détient 20 % des parts mais ignore à combien s’élève le capital auquel elle a pourtant souscrit. Un non-sens financier.
Ali Bongo : Le conflit d’intérêt permanent
Plus surprenant encore l’analyse des participations de Delta Synergie fait ressortir que le Président de la République se met régulièrement en situation de conflit d’intérêts et de délit d’initiés. Comment cela peut-il être interprété autrement lorsque l’Etat gabonais attribut régulièrement des marchés à des sociétés dont le Chef de l’Etat gabonais est l’un de principaux bénéficiaire via Delta Synergie ?
Quelques exemples :
– En 2010 pour le très lucratif chantier de la route Pont Octra-Port d’Owendo, s’élevant à 20.06 milliards FCFA, c’est SOCOBA détenue à 50% par Delta Synergie qui fut choisie par l’Etat. C’est encore SOCOBA à qui fut attribué le chantier d’extension du stade de Franceville. La même SOCOBA s’est vue attribuée le chantier de construction de 3 échangeurs à Libreville pour plusieurs milliards de francs.
– En 2013 lorsque l’Etat gabonais a sollicité un financement bancaire de 100 milliards FCFA pour la construction de logement sociaux, c’est BGFI Bank détenue à 6.4% par Delta Synergie qui a été retenue ;
– Alors que l’Etat s’est engagé dans un projet d’exploitation d’un gisement polymétallique à Moubounié, , la société Maboumine, créer pour conduire le pojet, s’est empressée d’ouvrir son capital à hauteur de 5% à Delta Synergie dont le Président Ali Bongo est le principal bénéficiaire. Par ailleurs, Delta Synergie détient 0.03% dans Comilog, principale société minière du pays.
Un mélange de genre bien fâcheux pour un chef d’Etat qui au moment de sa prestation de serment et conformément aux dispositions de l’article 12 de la Loi fondamentale a juré « de respecter et de défendre la Constitution et l’État de droit » et « d’être juste envers tous ».
Ci-dessous le détail des participations détenues par Delta Synergie :
Mays MOUISSI
Source principale :
– Rapport de mission de l’audit des participations Delta Synergie
Analyse limpide et sourcée qui démontre à ce qui en doutaient encore le niveau de prédation des ressources du Gabon par Ali Bongo et son clan