Un continent dans l’obscurité : Le déficit énergétique en Afrique
1.2 milliard d’habitants dont 600 millions privés d’électricité. C’est la triste réalité qui s’offre aux ressortissants du continent africain. Un paradoxe tant le continent africain regorge de ressources énergétiques aussi bien fossiles que renouvelables.
La production électrique de toute l’Afrique équivalente à celle de l’Allemagne
Pour illustrer le paradoxe énergétique africain, il convient de rappeler que les pays d’Afrique mis ensemble possèdent 9% des réserves mondiales de pétrole et de gaz, 10% du potentiel hydroélectrique de la planète et 6% des réserves de charbon. A ces ressources, il faut ajouter les prédispositions naturelles du continent pour le développement de l’énergie solaire et éolienne ainsi que pour l’exploitation de l’énergie géothermique (transformation de la chaleur souterraine en énergie) et de la biomasse. En dépit de ces atouts, l’Afrique souffre d’un déficit énergétique structurel qui ralentit son développement.
En effet, avec puissance électrique installée qui n’excède pas les 120 GW, la production électrique des 53 pays d’Afrique est similaire celle de l’Allemagne pourtant 13 fois moins peuplées. Le contraste est encore plus marquant lorsqu’on s’aperçoit que la production électrique actuelle de l’ensemble de l’Afrique équivaut au potentiel de production hydroélectrique (non développé) de la seule République Démocratique du Congo (RDC). Par ailleurs, alors que sa production d’électricité est déjà déficitaire, l’Afrique perd entre 12 et 13% de son électricité lors des phases de production et de transport.
Depuis de nombreuses années pourtant, les grands projets d’électrification du continent africain n’ont cessé de se multiplier avec des résultats pour le moins mitigés.
4 grands plans d’électrification de l’Afrique en moins de 15 ans
En 2001, à l’initiative des présidents Abdoulaye Wade (Sénégal), Thabo Mbéki (Afrique du Sud) et Olusegun Obasandjo (Nigeria) fut créé le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) avec un volet énergétique dont le but fut d’améliorer l’accès des populations africaines à l’électricité.
En juillet 2010, constatant l’échec du NEPAD, l’Union africaine en partenariat avec la commission économique des Nations unies pour l’Afrique et la Banque africaine de développement (BAD) lancèrent le Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (PIDA). Dans sa composante énergétique, le PIDA identifie 15 grands projets à impact régional et 20 projets de barrages, le tout devant être achevé à l’horizon 2040 et susceptible d’injecter 17 GW de puissance supplémentaire sur le continent. Bien que certains projets identifiés par le PIDA sont en cours d’exécution, à l’image du Grand barrage de la Renaissance d’Ethiopie (dont la capacité de production attendue est de 6 000 GW), force est de constater que les résultats se font toujours attendre et la proportion d’africains n’ayant pas accès à l’électricité ne cesse de croitre.
Annoncé en aout 2013 par le Président américain Barack Obama, le programme « Power Africa » est venu allonger la liste des projets énergétiques visant le continent africain. En effet, lancé à grand battage médiatique, sans grande implication des africains pourtant premiers concernés, Power Africa s’est fixé comme objectif de doubler l’accès des populations du continent à l’électricité. Pour y parvenir, un financement de 26 milliards $ devait être mobilisé par les Etats-Unis et ses entreprises dont on annonçait qu’elles s’étaient déjà engagées à hauteur de 14 milliards $. Une structure de financement étonnante d’autant qu’il n’est pas possible d’identifier la contribution des pays africains concernés. Près de 2 ans après son annonce, le programme « Power Africa » est toujours au point mort.
Sans coordination avec les programmes précédents, le 3 mars 2015 l’ancien ministre français Jean-Louis Borloo a lancé son programme d’électrification de l’Afrique géré par sa propre structure : la fondation pour l’énergie en Afrique. Objectif visé : électrifier 100% du continent africain en une décennie par l’investissement de 200 milliards € sur la période. Bien que l’initiative soit louable, ses contours restent cependant flous. Peu d’informations sont disponibles sur les mécanismes de financements qui permettront de mobiliser les 200 milliards nécessaires à la réalisation du programme. Par ailleurs, il est utile de se demander comment Jean-Louis Borloo, homme politique à la retraite, parviendra à mobiliser un montant 8 fois supérieur à celui que les Etats-Unis se proposaient de réunir pour un programme similaire.
La nécessité d’impliquer les africains dans les projets d’électrification de leur continent
De toute évidence, les grands projets d’électrification du continent africain manquent de coordination entre eux. Par ailleurs, leur multiplicité a fini par créer la confusion auprès des bailleurs et à devenir un obstacle à la mobilisation des ressources financières escomptées. Enfin, la présentation de plans d’électrification, qui semblent avoir été conçus ex-nihilo, dans de grands show médiatiques interpelle. Des projets de cette nature et de cette ampleur se doivent d’inclure les africains à toutes les étapes : de la conception des projets à la réalisation des ouvrages.
En tous les cas le déficit énergétique structurel du continent africain constitue l’une des principales entraves à son développement. Le principal problème auquel les pays d’Afrique sont confrontés est celui de l’absence de ressources capables de financer des projets lourds mais bien souvent identifiés.
Mays MOUISSI
Sources principales :
– Programme for Infrastructure Development in Africa – Interconnecting, integrating and transforming a continent (Banque africaine de développement)
– Programme for Infrastructure Development in Africa Sector – specific Terms of Reference for Energy Sector (Banque africaine de développement)
– Africa Power Sector: Planning and Prospects for Renewable Energy (Agence international des energies renouvellables)
great work with actionable data!
Comme vous l’avez si bien dit le problème d’électricité en Afrique a des conséquences économiques très grave au plan économique et social.
Ce qui est triste c’est de voir qu’on annonce des plans dans tous les sens mais on n’en réalise aucun.
Et vous avez raison de dire que les africains doivent être impliqués à toutes les étapes des projets concernant l’Afrique. Comme disait Nelson Mandela : « Tout ce qui est fait pour nous, sans nous, est fait contre nous. »