Gabon : Organiser la CAN 2017, est-ce vraiment une bonne idée ?
Ce 8 avril au Caire (Egypte) le comité exécutif de la Confédération africaine de football désignera le pays organisateur de la CAN 2017. Trois pays sont en lice, l’Algérie, le Ghana et le Gabon. Compte-tenu de l’existence de données budgétaires récentes sur la co-organisation gabonaise de la CAN 2012, nous avons voulu faire un bilan entre les dépenses engagés par l’Etat gabonais et les réalisations sur le terrain.
Une CAN 2012 trois fois plus chère que prévue
En 2008 lors du cadrage des dépenses budgétaires de la CAN 2012, le gouvernement gabonais avait estimé à 140 milliards de FCFA (210 millions €) l’enveloppe destinée à couvrir l’ensemble des travaux relatifs à la CAN 2012 sur le territoire de la République gabonaise. En janvier 2012, Louis Claude Moundziéou, porte-parole du comité d’organisation de la CAN (COCAN) affirmait que la compétition avait finalement couté au contribuable 400 milliards de FCFA (600 millions €), près de 3 fois le montant initial. Nous pouvons pourtant démontrer, après analyse des lois de finance du Gabon de 2005 à 2013, que seuls 346.9 milliards FCFA (530 millions €) ont été régulièrement inscrits au budget de l’Etat gabonais (cf. notre tableau agrégeant les lignes budgétaires destinées à l’organisation de la CAN).
Il apparait un gap de 53 milliards FCFA entre les inscriptions budgétaires constatées et les déclarations des officiels gabonais à qui il revient d’apporter les éclairages nécessaires.
Par ailleurs, l’analyse détaillée des lignes budgétaires gabonaise consacrées à la CAN 2012 laisse apparaitre des dépenses dont les montants sont surprenants ou mieux encore de nombreuses dépenses budgétisées, exécutées mais jamais réalisées sans que ni le gouvernement, ni les organisateurs de la CAN 2012 ne donnent la moindre explication.
Ainsi alors que l’ensemble des lignes budgétaires consacrées à la CAN 2012 s’élèvent à 347 milliards FCFA, la réfection du stade omnisports Omar Bongo, principal stade de Libreville inutilisé pendant la CAN, a couté 107 milliards FCFA (150 millions €) soit 31% de l’enveloppe global. Une proportion pour le moins surprenante compte-tenu du fait que 3 ans après la fin de la compétition, cette enceinte est toujours inachevée.
Des projets financés mais jamais réalisés
Nous avons été interpellés par un ensemble de dépenses s’élevant à 30 milliards FCFA (45 millions €) pour lesquelles nous viennent quelques interrogations. Ainsi 3,4 milliards FCFA ont été inscrits au budget de l’Etat pour financer :
– La construction d’un palais des sports à Libreville (2 milliards FCFA) ;
– Un centre d’entrainement de haut niveau (800 millions FCFA) ;
– Un stade d’entrainement et un hôtel à Bikélé dans la périphérie de Libreville (610 millions FCFA).
Cependant aucun des édifices précités n’a jamais vu le jour en dépit des moyens conséquents qui ont été affectés à leur construction.
Par ailleurs, alors que la CAN s’est achevée au 1er trimestre 2012, deux inscriptions budgétaires d’un montant global de 26.7 milliards FCFA ont été inscrites au budget 2013 au titre des travaux de la CAN 2012. Etonnement, ces lignes budgétaires contrairement à toutes les autres n’ont pas été détaillées de sorte qu’il n’est pas possible de savoir ce qu’elles ont financé et qui en fut bénéficiaire.
Au moment où le Gabon est en compétition pour accueillir seule la CAN 2017, le gouvernement et le monde sportif ne doivent pas s’exonérer du nécessaire bilan de la démi-CAN 2017 auxquels les gabonais ont au moins consacrés 347 milliards FCFA de leurs ressources.
Dégradation du contexte économique et social au Gabon
La nouvelle candidature du Gabon à l’organisation de la CAN intervient dans un contexte bien différent de celui qui a prévalu en 2012. En effet, la situation économique du pays s’est fortement dégradée en raison notamment de la chute des prix du pétrole et de l’indiscipline budgétaire observée au cours des 3 dernières années.
Au plan social, le pays est comme paralysé suite à des grèves suivies dans l’administration. Ainsi depuis près de 3 mois les établissements scolaires sont fermés. Les enseignants réclament de meilleures conditions de vie et de travail ainsi qu’une meilleure rémunération. La grogne sociale va en grandissant. Dans ce contexte une nouvelle organisation de la CAN est-elle prioritaire sur la résolution des conflits sociaux qui minent le pays ?
Le dossier de candidature présenté par le Gabon suggère une organisation de la compétitions dans 4 villes : Libreville, Franceville, Port-Gentil et Oyem. Cependant, force est de constater que les villes de Port-Gentil et d’Oyem nécessitent des travaux lourds pour être au niveau des standards pour accueillir la CAN.
Quels secteurs vont supporter les dépenses qui iront financer les travaux de la CAN 2017 ? Comment le gouvernement s’organisera-t-il pour financer cette compétition alors que les entrées budgétaires sont de plus en plus faibles ?
Mays Mouissi
Sources principales :
Lois des finances du Gabon du 2005 à 2013
Certainement l’une des plus belles analyses de surcroit documentée sur la CAN 2012.
Merci d’avoir mis en téléchargement l’ensemble des lignes budgétaires consacrées à la CAN 2012 que je me permets de relayer ci-dessous :
http://www.mays-mouissi.com/wp-content/uploads/2015/04/Dépenses-CAN-2012.xlsx
Merci pour ce travail de qualité que vous réalisez au quotidien.
Cher Alain Ditoumbou,
Merci pour les encouragements. Merci également de nous lire.
Cordialement.
MM
Cher Mays Mouissi,
Je suis assez admiratif de votre travail d’analyse documentée. Merci pour votre temps.
Vous pourriez peut-etre ajouter sur le site la possibilite de faire un don avec Paypal.
On a besoin de ce genre d’initiatives dont le but est d’edifier, sans partie prit, rien que des faits et des questions legitimes.
Encore merci.
Cordialement,
Félicien
Cher Félicien,
Merci pour les encouragements.
Je ne peux malheureusement pas accéder à votre proposition d’ajout d’un lien pour recevoir des dons. C’est contraire à mon éthique.
Le seul objectif que je poursuis est celui d’enrichir le débat économique et financier sur l’Afrique par la réalisation d’analyses, les plus objectives possibles.
Le fait que vous soyez des milliers à me lire est de loin la meilleure rétribution.
Bien à vous.
MM
Cher Mays,
C’est tout a votre honneur!
Je continuerai de vous lire avec autant de plaisir.
Bien cordialement,
Felicien
Merci encore pour cette analyse Monsieur MOUISSY.
Apparemment vous êtes un visionnaire car la nouvelle est tombé juste après votre analyse « le Gabon a été désigné pour organiser la CAN 2017 ».
Je me pose quand même des questions sur les critères de la CAF pour valider une candidature, car dans un contexte comme le notre, la candidature du Gabon n’aurait pas du être validé à mon avis.
Mais bon 400 milliards pour une demi CAN, il nous faudra donc trouver au moins 800 pour la prochaine, sachant qu’il faut augmenter les salaires et poursuivre les infrastructures donc les réalisation sont toujours à la traine.
Bref…merci encore.
Analyse très pertinente, mais qu’en est-il de la cour des comptes dans sa mission régalienne de gendarme des comptes publics, ne doit-elle pas rendre un rapport chaque année sur l’exécution de la loi de finance? Ne bénéficie t-elle pas d’un pouvoir coercitif dans la gestion des dépenses publiques? Que fait le parlement, qui doit contrôler l’action de l’exécutif?
Comment peut-on expliquer que des milliards disparaissent facilement sur le dos des contribuables? Autant de questions qui devraient interpeller les dirigeants!!! Une action collective doit être entreprendre pour dénoncer ce système de prédation trop c’est trop!!!!!!!!! #mamekoum’s!!!!!!