Gabon : Comment le budget de l’État est-il exécuté ?
Après les 3 premiers volets d’analyses sur les inscriptions budgétaires qui n’ont donné lieu à aucune réalisation sur le terrain, vous avez été nombreux à nous inciter à réaliser une analyse complémentaire sur le niveau d’exécution du budget en République gabonaise. Compte-tenu de la complexité du sujet et du faible nombre de données publiques disponibles, il nous a fallu déterminer une méthode simple rendant notre analyse accessible à tous.
LA MÉTHODE
L’analyse du budget que nous réaliserons portera sur une période cumulée de 10 ans et mesurera pour chaque exercice budgétaire 2 variables :
– Le taux d’exécution du budget à mi-année en recettes et en dépenses ;
– Le taux d’exécution du budget en fin d’année en recettes et en dépenses.
Nous avons comme cible d’arriver à déterminer un taux moyen d’exécution du budget à mi-année et en fin d’année.
L’ANALYSE DE L’EXÉCUTION DU BUDGET
Pour justifier que de nombreux projets d’investissements inscrits dans la Loi des finances n’aient jamais vu le jour, il nous a été opposé l’argument que le budget de l’État n’était que très partiellement exécuté et qu’en conséquence les fonds n’étaient jamais décaissés. Certains de nos contradicteurs ont affirmé que le budget n’était jamais exécuté à plus de 50%. Comment savoir dans quelle proportion le budget de l’État gabonais est exécuté ? Que disent les Lois de la République sur l’exécution du budget ?
Au Gabon l’exécution du budget est encadrée par la loi 5/85 du 27 juin 1985 portant règlement général sur la comptabilité publique de l’État dont l’article 101 nouveau est libellé comme suit :
« Les engagements de dépenses s’imputent sur les crédits du budget de l’année en cours. Ils stipulent l’exécution du service le 31 décembre au plus tard de cette même année …
… Les engagements dont l’exécution du service prévue pour le 31 décembre au plus tard n’a pu intervenir … sont réimputés d’office sur les crédits du budget de l’année suivante. En cas de non-reconduction de la ligne budgétaire au titre de laquelle la dépense aurait dû être payée, l’imputation est fixée par décision du ministre chargé des Finances ».
De cette disposition nous tirons 3 questions auxquelles notre analyse devra répondre :
– Quel est le niveau d’exécution du budget à mi – année ?
– Quel est le niveau moyen d’exécution du budget au 31 décembre ?
– Quelle part de crédit en moyenne doit être réimputée sur la Loi des finances suivantes ?
Le taux moyen d’exécution du budget à mi – année
En nous appuyant sur les rapports économiques et financiers (REF) accompagnant les différentes Loi des finances, nous avons reconstitué le niveau d’exécution du budget au 30 juin de chaque année sur 7 ans (de 2008 à 2014).
Les résultats obtenus sont édifiants. Dès le 30 juin, en moyenne 51% des recettes et 54% des dépenses de l’Etat sont exécutées. Nous pouvons le traduire de manière encore plus simple : à mi – année plus de la moitié des entrées et sortie de fonds prévus dans le budget ont été réalisées.
L’analyse détaillée des résultats montre des pics d’exécution budgétaire pouvant atteindre 61% pour les recettes (cf. budget 2009) et même 96% pour les dépenses (cf. budget 2008) rien qu’au 30 juin. On peut ainsi constater que l’affirmation selon laquelle le budget n’est jamais exécuté à plus de 50% est incorrecte et non-documentée.
Le taux moyen d’exécution du budget en fin d’année (au 31/12)
Toujours en nous appuyant sur les rapports économiques et financiers préparés par les ministères de l’Économie et du Budget, nous avons agrégé les taux d’exécutions des Lois de finances au 31 décembre de chaque année sur 7 ans (de 2005 à 2011).
Ainsi au 31 décembre a-t-on observé un taux d’exécution moyen de 108% des recettes qui traduit un surplus de ressources collectées par rapport aux inscriptions de la Loi des finances et 98% des dépenses. Il est donc démontré qu’en fin d’année le budget est exécuté quasiment en intégralité. Seul 2% en moyenne des dépenses budgétisées peuvent le cas échéant être imputées sur la Loi des finances suivantes.
Par ailleurs nous avons constaté la récurrence de dépenses exécutées à plus de 100% (notamment en 2006, 2008 et 2009). Cela traduit le financement de dépenses non-prévues dans le budget encore appelé hors-budget, une pratique contraire à l’orthodoxie financière.
LES CONCLUSIONS
Cette analyse ne peut être conclue que par des questions. Alors que les budgets sont exécutés, que des fonds sont décaissés, comment expliquer l’absence de réalisation sur le terrain des investissements pourtant inscrits dans les Lois des finances ?
Quelle destination prennent les crédits sortis des caisses de l’Etat et quels en sont les bénéficiaires ?
Les articles 122 et 125 nouveau de la loi 5/85 du 27 juin 1985 donnent mission à l’Inspection générale des finances, à la Cour des comptes et au Parlement d’assurer des contrôles sur le budget, son exécution et sur la gestion des agents en charge de ces questions. Qu’en est-il ?
Mays Mouissi
Documents de référence :
Quel talent.
Vous avez une qualité d’écriture qui nous permet de comprendre facilement des sujets qui sont pourtant complexes.
Votre analyse est claire et argumentée comme les précédentes. Merci
Merci beaucoup pour ces éclaircissements.
Monsieur MOUISSI,
Beaucoup de nos compatriotes sont intéressés par l’économie et les perspectives de la guinée équatoriale.
Beaucoup y vois un modèle à suivre et sont admiratifs et d’autres y vois de la poudre au yeux car ils n’y voient pas les bases d’une économie structurelle.
J’aimerai avoir vraiment une analyse même brève du sujet (conf. votre sujet sur le RWANDA).
Je vous imagine très occupé, mais espère que vous y penserez dans les sujets que vous aborderez dans l’avenir.
Bien à vous.
Bonjour,
J’y penserai, une analyse de l’économie de la Guinée Equatoriale pourrait constituer un bon benchmark précédant l’analyse des économies des pays voisins.
MM