Gabon : Ces palais invisibles financés par le budget l’Etat
30.6 milliards FCFA, c’est le montant consacré par la Loi des finances 2013 à la construction de bâtiments officiels, de palais, de résidences de hauts dignitaires mais aussi à l’érection de 2 cours de golf. Compte-tenu de cette dotation faramineuse, presque 10 fois supérieure au 3.7 milliards affectés à la construction de nouvelles universités sous la référence budgétaire 84.91.0.7.61, nous avons voulu savoir quelle est la situation sur le terrain plus de 2 ans après*.
En 2013, la Présidence de la république, la Primature, le Sénat et l’Assemblée nationale ont bénéficié d’enveloppes budgétaires conséquentes au titre des dépenses d’investissements. Sur le registre de nouvelles constructions d’infrastructures pas moins 30.6 milliards FCFA leur ont été consacrés.
Les 12 milliards de la Présidence
C’est ainsi que la Présidence de la république a bénéficié d’une dotation budgétaire de 12.1 milliards placée sous la gestion de l’agence comptable de l’Agence nationale des grands travaux et qui devait servir à financer :
– Un palais présidentiel à la cité de la démocratie (2.6 milliards FCFA) ;
– Deux cours de golf à la cité de la démocratie (3.75 milliards FCFA) ;
– Des palais présidentiels à l’intérieur du pays (5 milliards) et un nouveau palais présidentiel à Franceville disposant de sa propre ligne budgétaire sous la référence 64.91.2.0.22.
3 ans après le vote de la Loi des finances 2013, laquelle fut adoptée lors de la session dite budgétaire du parlement au 2e semestre 2012, les gabonais cherchent toujours le nouveau palais présidentiel de la cité de la démocratie et les 2 nouveaux cours de golf pour lesquels 6.35 milliards FCFA ont été inscrits au budget de la nation.
Par ailleurs, il est utile de se demander dans quelles provinces des palais présidentiels ont été construits entre 2012 et 2015 sur la base de l’enveloppe de 5 milliards inscrite au budget de l’état sous la référence 11.91.1.1.24 ? Quel sens économique donner à une ligne budgétaire qui consacre 5 milliards pour des palais en province (par nature inoccupés puisque le Président réside à Libreville) alors que dans le même temps seuls 3.7 milliards sont affectés à la construction de nouvelles universités ?
Concernant l’affectation de 3.7 milliards FCFA pour les études et la construction de 2 cours de golf, il faut rappeler que dès 2013 de nombreuses ONG et personnalités locales s’en étaient émus. Il est en effet difficile de comprendre la priorisation d’une dépense de cette nature dans un contexte où le pays manque de nombreuses infrastructures de bases.
Les 16 milliards du parlement
Avec la Présidence de la république, le parlement a été l’autre grand bénéficiaire de dotations aux investissements du budget 2013. L’Assemblée nationale et le Sénat ont ensemble bénéficié de dotations couvrant la somme de 16.8 milliards FCFA dont 15.7 milliards affectés à la Chambre des députés selon la répartition suivante :
– Travaux de construction de l’annexe du palais Léon Mba – Assemblée nationale (15.2 milliards FCFA) ;
– Etudes d’ingénierie, d’architecture et d’urbanisme destinées à la construction de la résidence officielle de Président de l’Assemblée nationale (500 millions FCFA) ;
– Travaux de construction de l’annexe du palais Omar Bongo – Sénat (1.04 milliards FCFA).
A Libreville pourtant, une petite balade sur le Boulevard Triomphal permet de constater que ni l’Assemblée nationale, ni le Sénat de la République ne disposent d’annexes. Les parcelles foncières sont bien présentes et situées derrière le siège de chacune des deux assemblées mais à part ça il n’y a rien d’autre à voir.
Pourtant sous les références 12.91.1.0.02 et 13.91.1.0.01, l’annexe explicative de la Loi des finances 2013 fait bien mention de 16.2 milliards affectés à la construction des annexes susmentionnées. Quelle destination ont pris les fonds ? A quel usage ont-ils servi ? On peut également se demander à quoi sert-il d’inscrire d’importantes sommes au budget si in fine rien ne se matérialise sur le terrain ?
La résidence du Premier ministre à 1.7 milliards
A l’occasion du vote de la Loi des finances 2013, le législateur a fait le choix de construire une résidence officielle au Premier ministre par une inscription budgétaire de 1.76 milliards FCFA enregistrée sous la référence 15.91.1.0.15 et se répartissant comme suit :
– Etudes d’ingénierie, d’architecture, d’urbanisme (281 millions FCFA) ;
– Contrôles techniques (30 millions FCFA) ;
– Travaux de construction de bâtiments (1.45 milliards FCFA).
S’il faut s’étonner des montants affectés à la fois aux études et à la construction de ces lieux d’habitations, la grande question est celle de savoir où est située la résidence officielle des premiers ministres financée par le budget de l’Etat.
L’analyse détaillée du budget fait également ressortir l’omniprésence de l’ANGT en tant que principal gestionnaire de crédits. En effet sur les 30 milliards FCFA étudiés, l’Agence comptable de l’ANGT a assuré la gestion du tiers.
Depuis 2013, les votes de Lois des finances se succèdent, des gabonais s’interrogent sur la pertinence des crédits alloués, de la destination des fonds non-investis et peut-être un jour auront-ils droit à des explications des institutions concernées.
Mays Mouissi
* Analyse réalisée à partir de l’annexe explicative de la Loi des finances initiale 2013
Document de référence :
Très belle analyse, franchement chapeau M. Mouissi.
Continuez sur ce voie. Merci à vous.
Pertinente analyse continuez à nous édifier. Recevez tous mon soutien.
M.moussi. Expliquer moi, Inscription dans la loi de finances veut elle dire nécessairement que ce budget à été exécuté. Combien de lignes ont été inscrites dans ces lois de finances. Ont elles toutes été exécuté. Apporter les justificatifs de l’exécution effective de ces lignes.
Expliquez moi.car, Inscription ne veut pas dire nécessairement exécution. Ce n’est qu’une inscription.
Bonjour frère le problème ici n’est pas l’effectivité de la dépense mais plutôt son inscription sur une loi de finances qui reçoit le seing de l’Assemblée nationale et la promulgation par le chef de l’État. Cette procédure rend la loi contrayante à tous. Le cas contraire une loi rectificative dans être votée pour une meilleure lisibilité de l’action gouvernementale. Mr. Mouissi dénonce ici les effets d’annonce. Merci pour votre aimable compréhension. Et bonne continuation à Mr. Mouissi
Bonjour Monsieur MOUISSI,
Je vous réitère mes encouragements et remerciements sur la lumière que faite sur les réalités économique et les orientations des politiques sur le continent par vos analyses.
Aussi, même si la question de GABONAIS est fondamentale (différence entre inscription et exécution sur loi de finance) je retiens que le plan d’action du président de la république décrit dans son PSGE n’est pas en adéquation avec certains inscriptions sur les lois de finance (notamment le sujet dont vous traité ici) sauf si on nous démontre que tous les autres projet son en bonne voie de réalisation et que nos prévision budgétaire à long terme nous permettent ce genre de fantaisie (en tout cas le climat social actuel nous montre le contraire).
Il avait entre autre été annoncé un volonté de réduire le train e vie de l’état…apparemment la construction (ou réfection) de tous ces palais empiètent considérablement sur des budgets d’investissement et de fonctionnement dans la mesure ou leur entretiens seraient tout aussi couteux (à long terme) que leur construction.
Bien à vous.
Cher tous, évitons ce genre de détournement de conscience car depuis toujours la cause racine de tous nos problèmes n’a jamais été traitée.
Esclavage — Colonisation — Franc CFA.
Belle analyse. Pour ceux qui se disent que inscription au budget ne veut pas dire exécution, oui sauf que si ce qui est inscrit au budget n’est pas exécuté, les mêmes sommes doivent faire l’objet d’un collectif budgétaire pour être reversées au budget suivant, sinon c’est du détournement. On inscrit des dépenses au budget qu’on exécute pas , l’argent va où si ce n’est dans les poches des gens. Dans le principe de bonne gestion, l’argent inscrit au budget de 2012 et qui n ’ a pas été utilisé doit réapparaître au budget 2013.