Afrique : Le défi de la valorisation de l’économie informelle
Souvent appelée économie non-régulée ou économie populaire, l’économie informelle* bien que difficilement mesurable représente une part importante de l’économie africaine. En 2008 un rapport de l’OCDE estimait à 55% le poids de l’économie informelle dans le PIB de l’Afrique subsaharienne et à 38% dans celui de l’Afrique du Nord. Il apparait que l’essentiel de l’économie africaine est informelle. Écartée des comptabilités nationales et échappant à l’impôt, les États manquent de stratégies adaptées pour valoriser les produits de l’économie informelle et ramener le gros des activités qu’elle recouvre dans le système régulé.
Pour un statut juridique des acteurs de l’économie informelle
L’économie informelle regroupe l’ensemble des activités économiques souvent précaires pratiquées par des citoyens généralement pour couvrir leurs besoins de subsistances. S’étendant à l’ensemble des domaines d’activités elle couvre aussi bien le bâtiment, le petit commerce, les services à la personne que la distribution. En Afrique près de la moitié de l’économie informelle se concentre autour des activités agricoles. L’OCDE estime qu’entre 50 et 80% de la main d’œuvre disponible se livre à une activité économique informelle.
Compte-tenu de son importance socio-économique, la valorisation et la régulation de l’économie informelle est un défi auquel devrait se soumettre tous les pays africains. Valoriser le secteur informel reviendrait à mettre en place un cadre juridique adapté à sa nature tout en offrant un statut juridique aux opérateurs du secteur. Il s’agit de réduire la contrainte administrative au maximum par la mise en place de règles d’enregistrement et de conditions d’exercices simplifiées. La lourdeur administrative constitue en effet un blocage psychologique qui décourage les opérateurs de l’économie informelle désireux de régulariser et/ou professionnaliser leur situation.
Valoriser l’économie informelle pour son apport socio-économique
Face au caractère envahissant que peut prendre certaines activités informelles, des états ont parfois été tentés par l’usage la force publique pour limiter l’exercice des opérateurs du secteur. Cette attitude a été à l’origine de mouvements sociaux dont l’impact fut significatif. Ainsi l’application d’une décision de déguerpissement des commerçants ambulants de la ville de Dakar (Sénégal) en 2007 a créé une révolte sociale ayant conduit le gouvernement à rapidement faire machine arrière.
Est-il utile de rappeler que les révolutions arabes ont trouvé leur origine dans l’immolation par le feu d’un vendeur ambulant dont la marchandise fut confisquée par les autorités en 2010 ?
Valoriser l’économie informelle c’est déjà reconnaitre son rôle social et accepter qu’une grande partie de la population s’y adonne. C’est aussi permettre à l’ensemble des opérateurs de faire grandir leurs activités en se sentant protégé par les autorités. L’État pour sa part pourrait en tirer bénéfice au plan fiscal et de façon plus large sur l’accroissement de la richesse nationale tirée par une économie « informelle » revigorée.
Valoriser l’économie informelle c’est enfin parvenir à transformer des opérateurs réalisant une activité de subsistance en entrepreneur créant de la valeur au sein de la société.
Mays Mouissi
* Il faut distinguer l’économie informelle de l’économie dite souterraine. Dans un cas il s’agit de l’économie non-régulée mais généralement acceptée par les états qui souvent manquent des structures nécessaires à l’encadrement des activités informelles. A contrario, l’économie souterraine tend à désigner des activités illégales, parfois criminelles et dans tous les cas qui se distinguent par une volonté de se soustraire aux lois et règlements en vigueur.
Article que tout le monde doit lire