Afrique : La problématique de l’accès des populations aux services bancaires
En Afrique seulement 20% des foyers disposent d’un compte bancaire. D’une région à l’autre du continent les réalités rencontrées en termes d’inclusion financière peuvent être très différentes. Ainsi les pays du Maghreb affichent-ils un taux de bancarisation d’environ 50% quand les pays de la CEMAC* stagnent encore à 7%. A l’analyse, le faible niveau d’accès des populations aux services bancaires constitue un obstacle économique important au développement des pays concernés.
Des offres de services bancaires inadaptées aux contextes locaux
Les nombreuses études commandées par les organismes internationaux sur la faiblesse de l’inclusion financière en Afrique l’expliquent généralement par 3 facteurs principalement :
– La concentration des réseaux bancaires en zone urbaine et péri-urbaine laissant les zones rurales non-couvertes
– Le réflexe culturel qui tend à préférer la thésaurisation et les rapports financiers entre individus sans intermédiaire
– Le coût des services bancaires trop élevé comparativement au niveau de revenu moyen des populations locales.
A ces 3 facteurs, nous pouvons ajouter que l’offre de services bancaires aux clients particuliers dans plusieurs pays d’Afrique est parfois inadaptée aux conditions particulières des nations au sein desquelles les banques sont installées. En effet, souvent calqués sur les systèmes bancaires des anciennes puissances coloniales, les modèles bancaires appliqués en Afrique n’ont pas été pensés pour des populations à revenu faible ou médium, ne disposant pas toujours d’une épargne financière conséquente et n’ayant pas ou peu de biens à proposer en garantie le cas échéant.
Aussi dans les anciennes colonies françaises du Maghreb, d’Afrique de l’ouest et du centre, les demandes de crédits à long terme (crédit immobilier par exemple) se verront systématiquement opposées cumulativement une demande de garantie, en l’occurrence une immobilisation corporelle, une demande d’apports et la preuve de revenus salariaux réguliers. Or en 2008 la part du secteur informel** dans la richesse nationale a été évaluée par l’OCDE à 38% en Afrique du Nord et 57% en Afrique subsaharienne. Il apparait donc que la majorité de la population qui évolue dans le secteur informel ne peut justifier de versements réguliers de salaires et se trouve exclue du bénéfice du crédit bancaire. Cette exclusion, couplée aux défaillances de l’environnement institutionnel et à la faible concurrence du secteur bancaire explique en partie le paradoxe de surliquidité bancaire observé sur l’ensemble du continent.
Des solutions pour améliorer l’inclusion financière en Afrique
Il existe pourtant des solutions alternatives, certainement plus adaptées, pour permettre aux banques d’accorder des crédits à cette frange de la population exclue sans pour autant nécessairement augmenter le coût du risque. On pourrait imaginer et de manière non limitative :
– La mise en place et/ou la généralisation du principe d’assurance emprunteur
– L’implémentation d’un système national de garantie financé pour partie par le contribuable
– Des adaptations locales du bureau de crédit anglo-saxons qui permettrait d’accorder des nouveaux crédits en se basant l’historique de remboursement des crédits antérieurs du client.
De telles mesures seraient de nature à débloquer l’octroi des crédits et libérer les énergies nécessaires au développement des pays africains.
Pour atteindre un niveau de bancarisation des populations élevé, les états se doivent également d’y contribuer. D’abord ils doivent montrer l’exemple en généralisant le versement de la solde des fonctionnaires dans des comptes du réseau bancaire, postal ou au sein d’institutions de microfinance. Le mouvement peut être étendu aux étudiants boursiers et au versement des différentes aides sociales. En contrepartie de cette masse financière qui ira irriguer le secteur financier, l’état pourra négocier des tarifs bancaires adaptés pour les populations économiquement faibles.
Ensuite en lien avec les entreprises privées, les états doivent encourager l’usage des canaux bancaires pour le versement des rémunérations. L’objectif à terme étant de parvenir à bancariser tous les salariés du privé comme du public.
Enfin pour attirer les établissements financiers dans les milieux ruraux, les Etats pourraient offrir des incitations fiscales.
Mays Mouissi
*CEMAC = Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale. Il s’agit d’un ensemble économique regroupant 6 pays (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale et Tchad) et partageant une monnaie commune, le franc CFA (code monétaire international XAF)
** Le Bureau international du travail a défini le secteur informel en 1993 comme étant : « un ensemble d’unités produisant des biens et des services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées … Les relations de travail, lorsqu’elles existent, sont surtout fondées sur l’emploi occasionnel, les relations de parenté ou les relations personnelles et sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due forme»
3 réponses
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