Gabon : Quand le ralentissement économique entraine une crise sociale
Mouvements d’humeur dans les régies financières, grève générale dans la fonction publique, suspension des cours dans l’éducation nationale, fermeture de la principale université du pays … Au Gabon l’année 2015 a commencé dans un climat social particulièrement tendu. Alors que les premiers signes de ralentissement économique se faisaient sentir dès 2013, la chute brutale des prix du pétrole au T4-2014 a dégradé plus encore la situation financière du pays qui fait désormais face à des difficultés de trésorerie.
L’éternelle dépendance aux revenus pétroliers
Avec une richesse nationale évaluée en 2013 à 11 350 milliards de francs CFA (soit 19.34 milliards $), et un PIB par habitant de 6.8 millions de FCFA (11 600 $), le Gabon peut apparaitre comme l’un des pays les plus riches du continent africain. Cependant, ces chiffres flatteurs cachent mal une réalité moins glorieuse. L’économie gabonaise est très fortement dépendante des revenus tirés du pétrole. En effet, le pétrole au Gabon représente entre 40 et 50% du PIB, plus de 80% des exportations mais surtout 60% des recettes budgétaires.
L’analyse de l’évolution de la croissance du Gabon sur 10 ans (période 2005 – 2015) laisse apparaitre 2 phases :
– La période 2005 – 2009 marquée notamment par une récession pouvant s’expliquer par l’effet conjugué d’un endettement excessif, la baisse des prix du pétrole et la crise financière de 2008.
– La période 2010 – 2015 où la croissance du pays a été systématiquement (au moins jusqu’en 2014) supérieure à la moyenne de l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne. Au cours de cette phase, les prix du pétrole ont atteint un plus haut historique s’échangeant parfois au-delà de 130 $ le baril. Au niveau local, la politique d’investissement menée par le gouvernement, notamment au moment d’organiser la coupe d’Afrique des nations en 2012 a permis de consolider la croissance.
Dans tous les cas et sur l’ensemble des 2 phases, la hausse des prix du pétrole booste les chiffres de la croissance et la baisse des prix entraine une récession.
Baisse des revenus de l’état gabonais et promesses démagogiques
La chute du prix du pétrole amorcée au T4-2014 a conduit le gouvernement à revoir la loi de finance 2015 dont le cadrage macroéconomique était trop optimiste et à prendre des mesures d’économies dans l’urgence. En dépit de cela, certains experts affirment déjà que le déficit public en 2015 sera porté à 1 335 milliards de FCFA soit 77% du PIB.
Malgré la baisse significative des revenus de l’Etat, comme pour calmer un front social de plus en plus bouillant le gouvernement a continué à faire des promesses à fort impact financier dont il savait qu’il ne pouvait les tenir. Ainsi a-t-on vu le Président Ali Bongo, sans consultation ni préparation, généraliser à l’ensemble des fonctionnaires une prime jusque-là réservée aux seuls régies financières. De la même façon, le Président de la république s’est engagé dans son discours à la nation du 31 décembre 2014 à augmenter les salaires dans la fonction publique dès la fin du mois de janvier 2015.
Ces deux promesses ne sont pas réalisables. En effet, le principal canal d’alimentation des caisses de l’Etat s’est rétréci. En raison du ralentissement économique, le Gabon ne dispose ni de suffisamment d’entrées financières, ni de suffisamment de réserves pour assurer durablement le paiement de la prime d’incitation à la performance (PIP) ou une augmentation généralisée des salaires dans la fonction publique. Par ailleurs, le niveau d’endettement du pays a augmenté de 10 points en 5 ans passant de 20% du PIB en 2009 à 30% en 2015. La chute des ressources budgétaires a d’ailleurs conduit les agences de notation à dégrader la note de crédit du Gabon. Cela aura pour conséquence d’accroître le coût du financement de l’état par l’emprunt.
L’impossibilité d’honorer ces deux promesses a envenimé le climat social. Les grèves se sont propagées dans les principaux secteurs d’activités du pays :
– L’éducation nationale et l’enseignement supérieur
– La fonction publique d’État
– Le secteur pétrolier
– Le secteur énergétique
– Le secteur des télécommunications
– Etc.
Par ailleurs, le taux de chômage estimé à 24% de la population active (30% chez les jeunes) ne favorise pas un retour à l’accalmie.
L’incontournable nécessité de diversifier l’économie
Pour renforcer sa structure économique et limiter les aléas de la chute du prix du pétrole aussi bien au plan social que financier, le Gabon gagnerait à s’engager dans une véritable diversification de son économie. La mise en valeur des secteurs non-pétroliers pourvoyeurs de devises comme la foresterie, le tourisme ou l’agriculture doit être remise au centre de la stratégie d’investissement national. C’est à ce prix que le pays retrouvera son accalmie.
Mays Mouissi
Des conseiles à appliquer