Gabon : L’insécurité foncière comme frein majeur au développement
A l’image de plusieurs pays d’Afrique, le Gabon souffre d’une anarchie foncière, d’absence de plans cadastraux et de l’inexistence de plans d’occupation des sols. L’incapacité des services de l’État à assurer leur rôle dans la mise à disposition de terrains à bâtir, la création, l’enregistrement et la conservation de titres de propriété a largement favorisé l’insécurité foncière. Triste conséquence de cette situation, la grande majorité de propriétaires fonciers (bâtis ou non) ne dispose d’aucun titre de propriété.
L’insécurité foncière, un problème social
Longtemps régi par la loi 5/63 du 8 mai 1963 largement inspirée de la législation coloniale, le régime de la propriété foncière a été reformé par l’ordonnance n°5/2012 du 13 février 2012 et ratifié par la loi n°3/2012 du 13 août 2012.
Ayant pour objectif principal de couvrir les imperfections de la loi de mai 1963 devenue désuète, le nouveau régime de la propriété foncière peine encore à faire ses preuves. En effet, les dispositions des articles 26 et 27 de l’ordonnance n°5/2012 font obligation à tout propriétaire non-titulaire de titre foncier de solliciter les services de l’État aux fins d’immatriculation et d’inscription dans le livre foncier. Par ailleurs pour inciter les occupants de parcelles, reconnus propriétaires de celles-ci bien que ne possédant aucun acte administratif, à s’engager dans une procédure d’immatriculation, le discours gouvernemental indiquait que seulement 6 mois étaient nécessaires pour obtenir un titre foncier.
Cependant, 30 mois après la ratification du nouveau régime de la propriété foncière force est de constater que rien ou presque n’a changé. Des milliers de propriétaires s’étant engagés de bonne foi dans la procédure d’immatriculation foncière attendent toujours d’être régularisés. Le délai de traitement de 6 mois régulièrement annoncé n’a jamais été respecté. La cession foncière de gré à gré entre particulier et sans acte administratif demeure une pratique largement répondue en violation des dispositions de l’article 78 de l’ordonnance n°5/2012 du 13 février 2012 lequel dispose que toute transmission de droits réels immobiliers doit être constatée devant notaire.
L’anarchie foncière, un problème économique
Historiquement dans de nombreux pays le législateur a soumis à l’impôt la propriété immobilière. Par les dispositions du Titre Deuxième du code général des impôts directs et indirects (CGIDI), le législateur gabonais a pour sa part créé 5 impôts sur la propriété :
– La Contribution foncière des propriétés bâties (article 290 du CGIDI)
– La Contribution foncière des propriétés non bâties (article 304 nouveau)
– La taxe représentative des droits de transmission entre vifs et par décès sur les biens immeubles (article 334)
– La taxe spéciale immobilière sur les loyers (article 349)
– La redevance forfaitaire d’habitation (article 382 bis).
En dépit d’une législation fiscale proche de la législation occidentale, l’administration fiscale gabonaise est incapable d’assurer le recouvrement de l’assiette fiscale relative à la propriété immobilière. Le recouvrement de l’impôt est rendu impossible du fait que les contribuables ne sont pas identifiés. Le fisc n’ayant pas à sa disposition un registre foncier à jour et les biens immobiliers n’étant pas immatriculés, l’impôt ne peut être recouvré : un important manque à gagner pour l’état gabonais.
L’anarchie foncière a également pour conséquence de limiter l’accès au crédit des citoyens et des entreprises. Dans un contexte où il n’est pas possible de justifier par des actes légaux de la propriété qu’on a sur un bien immeuble, les propriétaires se retrouvent sans garantie opposable aux établissements financiers lors du montage d’un dossier de crédit. En conséquence, les banques jugeant le risque trop élevé s’abstiennent de financer des projets.
De façon encore plus large, il est utile de se demander comment est-il possible d’attirer des investisseurs dans un pays où il est quasiment impossible d’être légalement propriétaire de son bien ?
La nécessité d’une régularisation foncière massive
Face à l’insécurité foncière qui s’est installée dans le pays depuis plusieurs décennies et ses conséquences néfastes sur l’économie, les autorités gabonaises se doivent d’agir. Ainsi le bon sens commande-t-il de constater dès à présent la propriété foncière des personnes occupant des parcelles de terre depuis des décennies en les immatriculant après un bref processus contradictoire.
La régularisation foncière des occupants de parcelles de terre réalisée, l’administration devra mettre en place un système d’identification des contribuables ainsi qu’un système auto-déclaratif simplifié permettant à chacun de réaliser annuellement ses obligations déclaratives telles qu’indiquées au titre Deuxième du code général des impôts directs et indirects (CGIDI).
Enfin la procédure d’immatriculation fiscale doit être également simplifiée, raccourcie et pourquoi pas élargie à des professionnels assermentés comme les avocats ou les notaires de façon à désengorger les services de l’état qui ont bien du mal à gérer la question foncière.
Mays Mouissi
Références légales :
Belle analyse la question foncière au Gabon. Pertinente et documentée.
Merci
C’est moi qui vous remercie d’avoir pris le temps de me lire. A bientôt !
Monsieur Mouissi, votre analyse en la matière est fort pertinente. Je crains cependant que certains grands propriétaires terriens fassent obstacle à ces éclairages car n’appréciant que très peu l’idée de partager ces espaces et subsides avec le plus grand nombre. Dès lors, il nous appartient de nous battre, par le biais de plaidoyer notamment, pour lever le voile sur cette question car il en va du développement de notre pays. C’est sur ce point que votre analyse est juste et à féliciter.
Cordialement.
Bonsoir ou bonjour tout dépend de l’heure à laquelle vous me lisez. étant un étudiant de master 2 en carrière judiciaire et pratique des contentieux à l’UOB, je suis passionné par le foncier dans mon pays et votre analyse me parais bien fondée. le foncier au Gabon au lieu d’être laconique, il est par contre lacunaire. comment faciliter l’acquisition du titre foncier sans anicroches? mon mémoire sera construit au tour de cette question, car j’aspire participer au mieux que je peux à la construction et à l’élargissement du domaine foncier au Gabon.