Gabon : Les politiques de l’habitat et du logement en question
Absence de schémas directeurs, politique du logement défaillante et habitat précaire, la crise de l’habitat au Gabon n’a cessé de s’accroitre depuis son accession à l’indépendance. En dépit de plusieurs annonces de construction de logements, l’analyse des politiques du logements menées et de leurs résultats fait ressortir de nombreuses défaillances qui traduisent l’incapacité de l’Etat à apporter seul, des solutions à cette crise.
Un besoin supplémentaire de 7 682 logements urbains par an
En 2001, dans le cadre d’une évaluation réalisée sur la demande foncière urbaine au Gabon, le PAPSUT * estimait qu’avec un taux d’accroissement annuel de sa population urbaine de 2.5% par an, le Gabon devait produire 6 149 parcelles chaque année pour y construire 7 682 logements. Un tel niveau de réalisation aurait permis d’absorber la demande supplémentaire de logements enregistrée dans les 3 principales villes du pays (Libreville, Port-Gentil et Franceville) entre 2000 et 2014.
Besoins immobiliers et fonciers moyens annuels entre 2000 et 2015 | |||
Villes | Nouveaux logements nécessaires | Nouvelles parcelles nécessaires |
Surface nécessaire à aménager (Ha) |
Libreville | 6 940 | 5 552 | 405 |
Port-Gentil | 546 | 437 | 32 |
Franceville | 196 | 157 | 12 |
Total | 7 682 | 6 146 | 449 |
Cependant, sur le seul volet relatif à l’aménagement de parcelles, l’annuaire statistique du Gabon sur la période 2004 – 2008 révèle que la production annuelle de parcelle par le ministère en charge de l’habitat et les sociétés sous contrats fut limitée à 90 unités en moyenne par an sur 5 ans. Ainsi entre 2004 et 2008, l’offre disponible en foncier urbain aménagé ne représentait que 1.8% des besoins du marché. Par ailleurs, 7 des 9 provinces du pays n’ont connu aucun aménagement foncier pendant la période. Dans un tel contexte, le logement anarchique et l’habitat précaire étaient devenus l’unique recours pour les populations.
Evolution de l’aménagement des parcelles | ||||||
Désignations | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | Total |
Estuaire | 85 | 32 | 65 | 380 | 40 | 602 |
Moyen-Ogooué | 0 | 0 | 0 | 11 | 14 | 25 |
Autres | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Total | 85 | 32 | 65 | 391 | 54 | 627 |
L’incapacité de l’Etat à résoudre le problème de l’habitat précaire
Si construire 7 682 logements urbains par an permettrait aux autorités du Gabon d’absorber la demande de logements supplémentaires dans les grandes villes du pays, il leur restera à régler la question du stock. En effet, le déficit en logement au Gabon est estimé à 200 000 logements si l’on inclut les ménages installés dans une habitation précaire. Elu en aout 2009, le Président gabonais Ali Bongo s’était engagé à faire construire 5 000 logements par an sur 7 ans (soit 35 000 logements entre 2009 et 2016). Si cette promesse avait été tenue et en considérant que le besoin en logement ne progresse pas, alors que le rythme de construction reste lui constant, il faudrait 40 ans pour résorber le déficit en logement constaté.
Or l’agrégation des chiffres publiés par les sociétés de construction immobilières au Gabon font état de la mise en chantier de 6 370 logements depuis 2009** et dont l’échéance des travaux est prévue en 2016 (soit un rythme de construction de 910 logements par an). De fait, avec un tel rythme 220 ans seraient nécessaires pour résorber le déficit en logement (sans considération de l’accroissement de la demande).
Pour une meilleure inclusion des promoteurs immobiliers privés
Le faible volume de logements construits dans le cadre des politiques publiques tend à démontrer l’incapacité de l’Etat à résoudre seul les problèmes liés à l’aménagement foncier et à l’accès au logement. Les programmes publics de construction de logements ayant montré leurs limites, il est urgent d’associer des promoteurs privés par des mesures d’incitations dont la première serait la sécurité juridique des investissements fonciers.
En effet, l’un des principaux freins à l’investissement immobilier au Gabon réside dans l’insécurité foncière qui se traduit par la difficulté d’acquisition d’une parcelle avec un titre de propriété ou de se voir délivrer un titre foncier pour une parcelle acquise auprès d’un tiers. Ainsi, entre 2004 et 2008 seuls 856 titres fonciers furent délivrés par l’administration de l’habitat, soit en moyenne 171 titres fonciers par an.
En dépit de la mise en place de l’Agence nationale de l’urbanisme, des travaux topographiques et du cadastre (ANUTTC), guichet unique en charge de la délivrance des titres de propriété, le volume de régularisation foncière continue de stagner. L’objectif d’instruction et de délivrance des titres fonciers dans un délai de 180 jours n’a jamais été atteint.
Par ailleurs, le volume cible de délivrance des titres fonciers sur la période 2013 – 2016 demeure peu ambitieux. En effet, l’objectif n°4 du programme urbanisation et aménagement du cadre de vie élaboré dans le cadre de la BOP*** de la Loi de finances 2015 fixe à 7 500 l’objectif de délivrance des titres fonciers en 2015 et 10 000 en 2016.
Des objectifs très peu ambitieux pour un pays dont les populations sont en attente d’une régularisation foncière massive.
Mays Mouissi
* Le PAPSUT est le Projet d’ajustement et de planification des secteurs urbains et transport. Les données citées dans notre analyse sont issues du « Rapport principal de la stratégie, Janvier 2001, volume 13, pages 39-40 ».
** Les 6 370 logements mis en chantier se décomposent ainsi :
– 3 800 logements par la Société nationale immobilière (SNI) ;
– 2 000 logements par la Société nationale de gestion et de construction du Logement social (SNLS) ;
– 570 logements préfabriqués importés de Turquie et monté par une société turque.
*** La BOP ou budgétisation par objectif de programme est défini par le Ministère gabonais du budget comme étant une nouvelle nomenclature budgétaire qui classe les dépenses suivant les grands domaines d’action, les grandes politiques de l’Etat avec une arborescence distinguant trois niveaux : la Mission, le Programme et les Actions.
Autres sources ayant permis la réalisation de cette analyse :
– Etude diagnostique pour l’élaboration d’une stratégie nationale d’habitat et de développement urbain au Gabon (Etudes Publiées par le Programme des Nations Unies pour les établissements humain en 2011 et 2013)
– PAP mission ministérielle construction et équipement collectif, annexe au projet de loi de finances 2015
– Annuaire statistique du Gabon 2004 – 2008
Nous savons depuis longtemps que l’Etat est défaillant! Vous êtes bien trop gentil… C’est 500 ans qu’il faudra au pays pour résorber ce déficit vu la génération de branleurs qui nous suit…C’est triste et tragique en même temps…
Bonjour Mays, je suis à la tête d’une société d’investissement pour lequel je mets en place le model économique pour la construction des logements sociaux financée par ma société. Alors, ton analyse du secteur du logement me permet d’avoir une meilleur approche de mon positionnement en qualité d’investisseur, aussi, je vais te demander quels sont tes sources pour que je puisse creuser le sujet et me faire une idée fixe de l’opportunité d’investir dans la construction des logements sociaux.
Question hâtive, j’ai ma réponse, désolé et merci encore pour l’article.
S’il vous plait,Chers Messieur(s)
S’il vous plaît, aidez-moi, combien de terres un citoyen peut-il acquérir en vertu de la (des) loi (s) en vigueur au Gabon? combien d’hectares?
J’ai recherché cette information mais je ne l’ai pas trouvée.